L'équilibre emplois-ressources

Grands équilibres macroéconomiques

L’équilibre est un concept essentiel en économie. Mais qu’est-ce donc ? Une situation idéale ? Pour certains, oui peut-être. Cependant, ne serait-ce qu’en raison du progrès technique et des évolutions de la société, l’économie est le théâtre de mouvements permanents. Alors que la notion d’équilibre suggère une certaine immobilité. Et l’immobilité n’est jamais souhaitable…

Nous étudierons d’abord l’équilibre dans sa version « statique » puis nous montrerons comment des déséquilibres peuvent survenir.

Note : la notion d'équilibre en économie recouvre plusieurs réalités. Nous n'étudions pas ici les grands équilibres conjoncturels qu'un État s'efforce de maintenir (carré magique de Kaldor).

équilibre

 

L’équilibre emplois-ressources

Un ménage ne présente pas toujours une situation financière déséquilibrée, loin s’en faut. S’il consomme beaucoup plus que ce qu’il gagne, il peut être conduit au surendettement.

Les entreprises sont soumises, elles aussi et sans doute davantage, à des contraintes financières : trop de dépenses ou d’investissements par rapport aux recettes et c’est l’impossibilité de rembourser les emprunts, puis le dépôt de bilan. L’inverse est dangereux aussi car une entreprise qui investit peu pour conserver des réserves trop importantes ou pour rétribuer grassement ses actionnaires laisse tôt ou tard ses parts de marché à des concurrents moins frileux.

Au niveau d’un pays, les enjeux sont les mêmes et un déséquilibre peut conduire à des situations dramatiques à grande échelle. L’exemple de la Grèce est emblématique.

Pour comprendre la notion d’équilibre, nous devons d’abord définir ce que sont les ressources et les emplois.

Il s’agit de flux qui ont une contrepartie monétaire. Ne confondons pas les emplois avec l’emploi ni les ressources avec des ressources naturelles, touristiques, intellectuelles ou autres qui peuvent, éventuellement, permettre d’obtenir des ressources monétaires !

Pour un ménage, les ressources se traduisent par des rentrées d’argent : salaire, allocations, dividendes et autres revenus. Elles sont « employées » à des dépenses de consommation ou à des achats immobiliers.

L’entreprise aussi raisonne en termes d’emplois et ressources. Ces deux types de flux sont synthétisés dans un document appelé bilan fonctionnel. Celui-ci permet, davantage que le bilan comptable, de vérifier si les règles d’équilibre financier sont plus ou moins respectées.

Et la nation, dans tout ça ?

La principale ressource d’un pays est son PIB (produit intérieur brut), somme des valeurs ajoutées des agents économiques résidents.

Les autres ressources sont les importations, c’est-à-dire des biens et services produits à l’étranger mais consommés par les résidents.

Enfin, comme les ressources sont comptabilisées sur une période donnée, il faut prendre en compte celles qui sont vendues au cours de la période alors qu’elles avaient été produites précédemment. Ce sont des prélèvements sur les stocks.

Qu’en est-il des emplois ? Il s’agit surtout de la consommation, y compris celle des organisations publiques. Mais aussi des investissements. En comptabilité nationale, on utilise la notion de formation brute de capital fixe (FBCF), qui n’est pas tout à fait la même chose que les investissements des entreprises : n’oublions pas que les ménages et les administrations investissent également.

Attention aussi à la définition de la FBCF : « biens durables utilisés pendant plus d’un an ». Pour les ménages, il ne s’agit que des logements (ainsi que des dépenses importantes qui leur sont consacrées). Par conséquent, si un lave-linge est acheté par une blanchisserie, il fait partie de la FBCF mais si c’est un ménage qui acquiert ce même lave-linge, il est considéré comme une consommation finale, quel que soit le nombre d’années pendant lesquelles il sera utilisé.

lave-linge

Les emplois sont aussi constitués des exportations et de produits stockés pour être consommés plus tard.

Il est habituel de présenter cet équilibre sous forme d’égalité. Soit \(Y\) le PIB, \(C\) la consommation des ménages, \(I\) les investissements, \(M\) les importations, \(X\) les exportations, \(G\) l’ensemble des consommations et investissements des pouvoirs publics (qui ne font donc pas partie de \(C\) ni de \(I\)) et enfin \(ΔS\) la variation des stocks positive ou négative (stocks de fin de période moins stocks de début de période).

Donc, \(Y + M = C + I + G + X + ΔS\)

Présenté ainsi, l’équilibre est forcément respecté.

 

La dynamique

Mais une égalité, c’est aussi un cadre rigide. Si un élément est modifié, il y en a obligatoirement un ou plusieurs autres qui sont impactés. Toutefois, ce n’est pas parce que le volume de production Y s’accroît que les éléments figurant à droite de l’égalité vont mécaniquement augmenter en volume.

En effet, n’oublions pas que ces agrégats ont des contreparties monétaires. Et les leviers monétaires s’avèrent souvent être les moyens de conserver l’équilibre de cette fameuse égalité. Ils sont mis en place par les pouvoirs publics (dévaluation, taux d’intérêt, endettement…). Mais lorsque les tensions sont trop fortes, les marges de manœuvre deviennent étroites et la situation risque alors d’échapper à tout contrôle (hyperinflation). Lorsque la situation devient insupportable pour la population ou qu'elle le deviendra, notamment en raison d'un endettement excessif, on peut parler de déséquilibre.

Celui-ci peut provenir d’un ou de plusieurs agrégats : des dépenses publiques trop élevées, des exportations trop faibles, etc. À travers les politiques économiques, les pouvoirs publics choisissent le moyen le mieux adapté pour redresser la situation. Toutefois, l’économie n’est pas une science exacte et il est normal que les économistes et les partis politiques proposent des solutions différentes aux mêmes problèmes.

Prenons un exemple. On observe un niveau donné de consommation sur une période \(N.\) Il augmente en \(N+1.\) Or, les entreprises ont du mal à s’adapter à cette hausse (donc \(Y\) augmente moins que \(C\)). Pour satisfaire la demande, il faut importer. Mais si la production n’est pas suffisante pour combler la demande intérieure, il y a de gros risques pour que les entreprises ne puissent pas compenser ces importations supplémentaires par des exportations. D’où un déficit commercial qui, à la longue, risque de poser problème. Sur quoi faut-il agir pour éviter que des problèmes en cascade ne se traduisent pas au bout de quelques années par une crise profonde ? Augmenter les impôts des ménages pour faire baisser la consommation ? Réduire les impôts des entreprises pour leur permettre d’investir puis de produire davantage ? La liste des bonnes et moins bonnes solutions est longue...

Si un déséquilibre dure trop longtemps, c’est l’ensemble du circuit économique qui se grippe. Il s’ensuit une crise économique plus ou moins sévère. Celle des subprimes en 2007-2011 a bien montré la réaction en chaîne au niveau mondial, suite à un déséquilibre profond et durable (pour simplifier, emplois des ménages américains beaucoup trop supérieurs aux ressources dans un contexte de pratiques bancaires douteuses !).

Selon le point de vue de certains économistes, un déséquilibre n'est qu'une période de transition entre deux situations d'équilibre.

 

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