Les qualifications

Qualifications et influence du milieu social

Le diplôme est-il un passeport pour l’emploi ? Oui dans une certaine mesure. Certes, ce passeport est long et difficile à obtenir. Qui plus est, il n’offre pas une garantie à \(100\%\) et n’est pas toujours indispensable. Mais il aide.

Avant de développer le sujet, étudions la notion de qualification. Elle recouvre deux réalités : la qualification de l’emploi et celle de l’individu.

 

Qualification de l’emploi

La qualification regroupe les aptitudes théoriques et pratiques inhérentes à un poste de travail.

Sur le long terme, le niveau général de qualification des emplois s’élève. D’une part la mécanisation et la robotisation ont remplacé les emplois industriels non qualifiés puis, progressivement, des emplois plus techniques. Des savoir-faire ont été informatisés, provoquant la disparition d’emplois du tertiaire. D’autre part, la société connaît depuis plusieurs décennies un besoin croissant de cerveaux capables de concevoir et de fabriquer les outils qui, justement, permettent d’accomplir des tâches répétitives : ingénieurs, informaticiens, etc.  D’autres qualifications doivent accompagner l’évolution des exigences sociales, en particulier celles qui sont liées à la santé. Enfin, pourvoir des emplois qualifiés nécessite logiquement… des individus qualifiés. D’où un besoin croissant d’emplois d’enseignants sous l’effet conjugué de la démographie, de l’allongement moyen de la durée des études et de l’élargissement de l’offre scolaire.

enseignante

 

Qualification individuelle

Le niveau d’études et l’expérience composent la qualification dont peuvent se prévaloir les individus. Ainsi, sur une longue période, la durée moyenne des études progresse. Mécaniquement, le nombre de diplômés aussi. Certes, les statistiques sont biaisées : un diplôme comme le baccalauréat sanctionne des programmes de plus en plus légers et, qui plus est, les notations sont aujourd’hui particulièrement peu sélectives. En revanche, certaines filières du supérieur conservent en France un niveau d’exigence élevé.

Quoi qu’il en soit, on note une progression du niveau de formation des jeunes depuis plusieurs décennies, avec une accélération durant les années 90 puis une relative stagnation.

L’un des atouts du diplôme est de permettre un accès moins difficile au premier emploi. Ainsi, les jeunes diplômés d’études supérieures sont quatre fois moins souvent au chômage à l’issue de leur cursus que ceux qui n’ont pour bagage que le brevet. De plus, le niveau du diplôme implique un salaire plus élevé et une meilleure garantie de progression de carrière. Enfin, le type de contrat est souvent d’autant plus sécurisant que le niveau du diplôme est élevé (CDI plutôt qu’intérim, CDD ou emplois aidés).

Pourtant, certains diplômés occupent souvent des postes sous-qualifiés. Ils ont certes suivi des études parfois longues mais, pour une raison ou pour une autre (spécialisation offrant peu de débouchés, par exemple), ils n’ont pu trouver qu’un emploi « déclassé ». Ce phénomène, qui est aussi une cause de chômage, est de plus en plus fréquent car l’évolution des qualifications individuelles s’avère plus rapide que celle des qualifications des emplois.

Par ailleurs, pour un poste donné, il n’est pas rare qu’une entreprise recrute à bac + 2 des collaborateurs qui auraient été embauchés sans aucun diplôme 15 ans plus tôt, même si aucune technicité supplémentaire ne le justifie. Pourquoi ? Parce que plus un diplôme devient commun, moins il a de valeur et plus les non-diplômés sont marginalisés. C’est le même mécanisme que mettent en œuvre les marchés des biens et services ! La rareté se paie !

 

Capital humain

On appelle capital humain l’ensemble des qualifications individuelles et des compétences qui participent à la création de valeur, pour soi-même et pour la société.

Ainsi, les études sont considérées comme un investissement immatériel. Pour décrocher un diplôme, on peut accepter de passer énormément de temps (et donc sacrifier ses loisirs), travailler beaucoup et dépenser des sommes conséquentes si l’on espère en retour bénéficier d'une vie meilleure grâce à une profession bien rémunérée. On reconnaît le principe de l’investissement.

Au niveau d’une entreprise ou d’un pays, l’accroissement du capital humain est un facteur de productivité. C'est pourquoi l'éducation n'est pas seulement un investissement pour l'individu, elle l'est aussi pour la nation, comme l'expliquait Friedrich List dès la première moitié du dix-neuvième siècle.

 

Influence du milieu social

En France, un principe républicain est l’égalité des chances à l’école. C'est-à-dire que la possibilité de réussite doit être indépendante de la condition sociale. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les mathématiques ont une importance particulière dès le plus jeune âge puisqu’elles sont supposées peu liées à l’héritage culturel (c'est-à-dire au niveau d’études des parents).

Mais l’égalité des chances, facteur de mobilité intergénérationnelle, reste un concept théorique.

En effet, on observe statistiquement que le niveau moyen du diplôme reste fortement lié au milieu social (reproduction sociale). Le ministère de l'Éducation nationale publie d'ailleurs une carte des risques d'échec scolaire en se fondant sur sept critères : les taux de chômage et de précarité de l'emploi, le niveau de diplôme des parents, la part des familles de plus de quatre enfants, celle des familles monoparentales, les revenus des foyers et les conditions de logement.

Pourtant, certaines entreprises et écoles mettent un point d’honneur à contribuer à l’égalité des chances. L’exemple le plus emblématique est celui de Sciences Po et de ses Conventions Éducation Prioritaire, voie de recrutement réservée aux élèves méritants issus de lycées géographiquement « défavorisés ». Dans certaines entreprises, on estime aussi que le mélange de conditions sociales est un atout pour répondre à une clientèle diversifiée.

On nomme ascenseur social le phénomène par lequel un individu s’élève par rapport à la position sociale de son milieu d’origine. Cette nouvelle position est liée à la profession et donc, bien souvent, au diplôme, même si d’autres voies existent (sport de haut niveau, carrières artistiques, politique, entrepreneuriat).

Cette possibilité d’évoluer dans un monde où tout semble possible pour qui sait saisir les opportunités existe à des degrés divers dans tous les pays capitalistes. Elle fait partie du « rêve américain ». Des esprits chagrins ajouteront que ces « réussites paradoxales » servent à rendre les inégalités sociales plus supportables.

Après plusieurs décennies où l’ascenseur social a bien fonctionné, il semblerait qu’une période de panne s’installe durablement en Europe de l’ouest. Pour la jeunesse, c’est même la crainte d’une trajectoire descendante, c’est-à-dire d’un déclassement, qui commence à prédominer (voir les ouvrages proposés en marge).

 

Conclusion

Certes, le diplôme permet d’accroître les possibilités de trouver un emploi. Mais celui-ci reste lié au milieu social qui conserve de ce fait un caractère déterminant. Par ailleurs, la qualification dont se prévaut un individu ne constitue pas toujours un capital sûr. Elle doit avant tout répondre à un besoin économique et social pour s’exercer dans un emploi.

Note : pour l'interprétation d'un tableau sur les qualifications, voir la page interprétation d'un tableau statistique. Pour un résumé de cette page sous forme de schéma, voir les exercices de mindmapping.

 

ascenseur social