Les courbes d'indifférence

Courbes d'iso-utilité

Alors que la psychologie du consommateur est décortiquée par les chercheurs en marketing, des domaines voisins sont toujours fondés (bien que de moins en moins) sur l’idée d’individus rationnels, déshumanisés, aussi peu émotifs que les calculatrices qui leur serviraient de cerveaux. Cette psychologie réductrice tient lieu d’hypothèse à des théories économiques mais aussi financières (voir la théorie moderne du portefeuille), les individus n'étant alors plus des consommateurs mais des investisseurs. Quoiqu'après tout, l’investissement réclame peut-être plus de rationalité que la consommation

Note : une initiation aux courbes d'indifférence, qui peut entrer dans le cadre d'exercices de maths en classe de première, figure en page d'exercice sur courbes d'indifférences.

hésitation

 

Les courbes d’indifférence

Ce sont les économistes Vilfredo Pareto et Francis Edgeworth qui sont à l’origine du concept. Certes, l’individu est rationnel mais la théorie de Pareto s’affranchit de la fonction d’utilité.

Supposons un consommateur dont les loisirs sont des sorties (cinéma, théâtre, concerts…) et des voyages. Sa courbe d'indifférence est la suivante :

courbe d'indifférence

Il lui est égal de prendre peu de vacances s’il se permet de nombreuses sorties (point \(A\)) ou inversement (point \(B\)). Mais en tout cas, notre consommateur sait toujours classer ses préférences (préordre complet). Comme il préfère un certain équilibre, il lui faudrait beaucoup de vacances pour se passer complètement de sorties et vice versa. C’est pourquoi ses points d'indifférence forment une courbe et non une droite : à mesure que l’une des deux options est privilégiée, le taux marginal de substitution diminue (convexité des préférences).

Supposons qu'il soit possible de formaliser l'utilité globale retirée d'une consommation de deux produits. Cette formalisation se traduit par une fonction de deux variables. Notons-la \(f(q{\small 1},q{\small 2})\), \(q{\small 1}\) étant la quantité consommée du produit 1 et \(q{\small 2}\) la quantité du produit 2. On mesure ainsi l’utilité marginale relative de chacun des produits par les dérivées partielles de cette fonction (ne pas confondre avec l’utilité marginale absolue, dérivée d’une fonction d’utilité).

Considérant la forme de la courbe, tous les points ne correspondent pas au même budget, dont l'affectation est une combinaison LINÉAIRE de vacances et de sorties.

droite de budget

La courbe n’est pas placée de façon à épuiser le budget. Entre les deux points de croisement, il reste au consommateur des ressources à employer pour d’autres choses que les sorties ou les vacances (l’achat de livres sur les statistiques, par exemple). En revanche, si l’on décale la courbe en haut à droite jusqu’à n’avoir qu’un point de tangence avec la droite représentative de la contrainte budgétaire, on trouve la combinaison optimale entre vacances et sorties. C’est le point d’ÉQUILIBRE.

point d'équilibre

Si les goûts de notre consommateur changent, la forme de la courbe aussi. Si son revenu évolue, c’est la droite qui se déplace. Enfin, si le prix des sorties ou des vacances varie, c'est la pente de la droite qui n'est plus la même.

Comme vous le constatez, il n’y avait pas de raison particulière de placer initialement la courbe ainsi pour la relever ensuite. De fait, il ne s’agit pas d’UNE courbe mais d’une infinité. On visualise cette multiplicité avec une carte d’indifférence. C'est la présentation la plus habituelle mais en principe, on devrait dessiner une surface dans un espace à trois dimensions.

carte d'indifférence

Ces courbes, pas nécessairement parallèles, ne se croisent jamais.

Enfin, l’hypothèse de non-saturation des préférences peut ne pas être admise. Ci-dessous, la carte montre une saturation des sorties. Pour un niveau donné de vacances, notre consommateur se moque complètement de se trouver sur les points \(A\) ou \(B\), c’est-à-dire avec plus ou moins de sorties…

non-saturation

 

Tout ça pour quoi faire ?

Les courbes sont enseignées en cours d’économie. Leur intérêt pratique est limité car il existe plus de deux biens et notre consommateur doit procéder à des milliers de choix, impossibles à illustrer graphiquement. Cependant, le concept est applicable à toute situation de choix. Notamment, l'extension au domaine de la finance a été féconde. L’indifférence n’est pas observée entre des produits mais entre un rendement et un risque. Cet arbitrage constitue un fondement de la théorie du portefeuille de Markowitz.

Les ressources humaines sont un autre champ d’application, même si les calculs sophistiqués réclamés par les courbes d’iso-utilité sont inexistants sur le terrain. L’arbitrage du salarié entre rémunération et durée de repos se traduit par des heures supplémentaires de plus en plus majorées au fur et à mesure qu’elles sont nombreuses. Un arbitrage qui peut d’ailleurs être étendu à tout travailleur non salarié…

 

courbes d'indifférence