La grève

Historique, types et causes des grèves

Les grèves sont l'une des formes les plus anciennes et les plus marquantes de conflit collectif. Elles traduisent les tensions entre employeurs et employés mais aussi des revendications politiques, économiques ou sociétales.

Explorons leur histoire, leurs causes et les formes qu’elles prennent.

 

Étymologie

Une grève est une plage de graviers. À Paris, l’actuelle place de l’Hôtel de ville était nommée « place de Grève » car c’était, au sens propre, une grève. Les marchandises arrivées par la Seine y étaient déchargées. Pour cela, des hommes sans emploi attendaient sur cette place.

Pendant longtemps, l'expression « faire grève » a signifié « se trouver sur la place de Grève en attendant un travail ». Puis son sens a évolué.

 

Historique

Les premières grèves remontent à l’Antiquité. L’un des exemples les plus célèbres est celui des ouvriers du village de Deir el-Médineh en Égypte, autour de 1160 avant notre ère, sous le règne de Ramsès III. Les grévistes, chargés de construire les tombes royales, protestèrent contre le non-paiement de leur nourriture et de leurs salaires.

Au Moyen Âge, les artisans et les compagnons menaient des actions collectives pour défendre leurs intérêts face aux maîtres. Ces mouvements, bien que sporadiques et souvent réprimés, témoignaient déjà d'une conscience de classe.

Avec la Révolution industrielle, les grèves prirent une dimension nouvelle. L’industrialisation provoqua une urbanisation rapide et se traduisit par des conditions de travail difficiles dans les usines, avec de longues journées longues et de bas salaires.

En Angleterre, des grèves célèbres émergent dès le début du dix-neuvième siècle, malgré les lois interdisant les rassemblements ouvriers (notamment les Combination laws, à partir de 1799).

À Lyon, les grèves des canuts lyonnais (ouvriers de l’industrie de la soie) symbolisèrent les luttes des années 1830 pour de meilleures conditions de travail et une régulation des salaires. La crainte d’être remplacés par des machines à tisser était aussi une motivation de révolte. La répression fut sanglante.

Le vingtième siècle a été marqué par des avancées significatives pour le droit de grève.

Les grandes grèves de 1936 en France qui ont abouti aux accords de Matignon ont constitué un tournant majeur. Les congés payés, les conventions collectives et la généralisation de la semaine de 40 heures sont autant de conquêtes obtenues grâce à la mobilisation ouvrière.

Au cours de la période de décolonisation, les grèves prirent une dimension politique.

N’oublions pas la grève générale de mai 68 en France, qui combina revendications sociales et critiques culturelles. Ci-dessous, photo de l’école des Beaux-arts, à Paris, datée du 15/05/68 par G. Wilander (musée Carnavalet).

Beaux-arts en grève

Aujourd’hui, les grèves sont toujours présentes mais elles se sont considérablement raréfiées dans le secteur privé depuis le début du siècle. Entre autres causes, la délocalisation des industries et la concurrence internationale ont modifié les rapports de force entre les salariés et les employeurs. Elles subsistent surtout là où l’emploi est protégé.

 

Causes

Les raisons économiques restent parmi les plus fréquentes.

  • Salaire insuffisant : les revendications pour une hausse des salaires sont souvent au cœur des grèves.

  • Conditions de travail dégradées : insécurité, harcèlement, pression excessive…

  • Licenciements massifs : les grèves peuvent aussi être un moyen de s’opposer à des restructurations d’entreprise.

Les causes peuvent aussi être sociales ou politiques.

  • Justice sociale : les grèves dénoncent parfois des inégalités dans la répartition des richesses ou des discriminations.

  • Opposition à des réformes : certaines grèves visent des réformes jugées injustes, comme celles des retraites ou du système de santé.

  • Solidarité interprofessionnelle : des secteurs en grève peuvent agir en soutien à d’autres.

 

Types de grèves

Les grèves diffèrent selon leurs causes, comme nous l’avons vu, mais aussi selon leur durée. Des grèves ponctuelles se traduisent par une courte interruption du travail, souvent pour attirer l’attention. À l’opposé, une grève illimitée dure jusqu’à satisfaction des revendications (ou jusqu’à l’épuisement des grévistes).

Elles diffèrent aussi selon leur forme. Outre la grève « classique » …

  • Lorsque le travail est ralenti ou discontinu on parle de grève perlée (interdite en France).

  • La grève du zèle est l’application trop méticuleuse des consignes de travail (également interdite).

  • Le piquet de grève est une réunion de grévistes devant le lieu de travail dans le but de dissuader ou d’empêcher les non-grévistes de travailler.

  • La grève surprise est déclenchée sans préavis.

  • Au Japon, les grévistes travaillent avec un brassard.

  • Le débrayage est une action symbolique de dénonciation, très courte.

  • Le lock-out, ou grève patronale, est la fermeture provisoire d'une entreprise par son dirigeant en réponse à une grève salariale (ainsi, même les non-grévistes ne sont pas payés).

  • Une grève est générale lorsqu’elle paralyse plusieurs secteurs d’activité à l’échelle nationale.

Il existe aussi des grèves de non-salariés : agriculteurs, médecins, chauffeurs de taxis, routiers, étudiants… Ils s’opposent ainsi au gouvernement ou à la promulgation d’une loi. Le phénomène est loin d’être nouveau puisque, en France, la première grève étudiante date de 1229.

Ne confondons pas grève et manifestation. Il arrive bien sûr que des grévistes manifestent mais tous ne le font pas. À l'inverse, on peut manifester pour une raison extra-professionnelle et, pour cela, devoir abandonner provisoirement son travail.

manif d'agriculteurs

 

Droit de grève

En France, le droit de grève est reconnu dans la Constitution depuis 1948. Mais il est encadré.

Certaines catégories d’agents, comme les policiers ou les militaires, en sont exclues. Un service minimum est exigé dans des secteurs cruciaux (santé, éducation, transports). De plus, l’État peut réquisitionner des fonctionnaires pour éviter des abus.

Dans les transports, des règles spécifiques imposent un dialogue préalable et des plans de service adaptés pour minimiser l’impact sur les usagers.

Enfin, le droit de grève n’est pas absolu : il peut être restreint pour préserver la continuité du service public ou jugé illicite, notamment en cas de revendications purement politiques.

Les grévistes voient leur contrat de travail suspendu et donc une absence de salaire durant la grève, sans impact sur les droits sociaux. Des aides peuvent être accordées par les comités d’entreprise.

Dans le secteur privé, les employeurs ne peuvent pas imposer des récupérations non réglementées.

Le droit de grève doit être distingué de celui de retrait, qui est le droit à ne pas travailler en cas de danger (par exemple une agression). Le droit de retrait est individuel mais il peut s’exercer collectivement. Il ne donne pas lieu à retenue sur salaire, sauf abus.

 

Suivi statistique

Voir le suivi des conflits collectifs.

 

père Noël en grève