Tensions et conflits
Il est naturel que des tensions naissent au sein d’un groupe. Lorsque la cohésion est suffisamment forte, elles ont un impact positif car elles entretiennent une émulation (à l’instar du « bon stress »). Lorsque les relations sont moins solides, elles deviennent négatives et mobilisent des énergies pour éviter de basculer dans le conflit ouvert. Car au-delà d’un point de rupture, la situation peut dégénérer…
Ci-dessous, nous nous attacherons aux conflits interpersonnels dans une organisation et non aux conflits collectifs (grèves) ou aux conflits intra personnels (que peut avoir une personne avec elle-même). Le périmètre est toutefois plus large que celui des différends concernant l'application du droit du travail qui fait l'objet d'une rubrique du bilan social.
Les causes des tensions
Une tension se traduit par des remarques, des sous-entendus, des silences… Il est important d’en connaître les raisons pour mieux la désamorcer.
1- Parce qu’ils provoquent des frustrations, les conflits d’intérêt sont certainement la principale cause des situations tendues (recherche ou défense de territoire, horaires, vacances…). On les distingue parfois des conflits de pouvoir mais derrière ces derniers, ne se cachent-il pas toujours des intérêts ?
2- Une autre catégorie de raisons est celles qui relèvent du domaine affectif (au sens large : incompatibilités de caractère…). Une personne peut en rejeter une autre avant même de la connaître en raison de préjugés négatifs.
3- Mentionnons enfin les divergences d’opinions, de culture ou, plus généralement, de valeurs (conflits de personnalités).
C’est parmi ces familles de causes qu’il faut faire remonter la genèse d’une tension.
Par exemple, Mme Fourmi a prêté de l’argent à Mme Cigale qui reporte toujours son remboursement sous des prétextes divers. Mme Fourmi rumine et ne parle presque plus à Mme Cigale. Mais il est inutile d’incriminer cette dernière sous le prétexte qu’elle n’est pas sérieuse ou Mme Fourmi qui est bien légère de prêter de l’argent sans connaître suffisamment sa débitrice. La cause à retenir, c’est que ces personnes ont un rapport à l’argent différent (divergence de valeurs) : l’une considère que ce n’est pas grave de rembourser le plus tard possible, l’autre trouve ce comportement inadmissible. Sur cette base, des discussions pourront être entamées pour que cesse ce climat tendu.
Lorsque le terrain est miné, un simple malentendu peut prendre des proportions insoupçonnées. Un malentendu est l’interprétation erronée d’une parole ou d’un comportement. Toutefois, il ne faut pas se fonder sur une simple méprise pour expliquer une tension. Exemple : un collègue oublie de dire bonjour car il est soucieux. Si l’ambiance est excellente, quelqu’un lui demande immédiatement si tout va bien ; s’il existe une tension même légère, chacun pense « qu’est-ce que je lui ai fait ? ». En général, le fait que quelqu'un « se fasse son film » ne prête pas à conséquence mais c’est sur ce terrain que les tensions se développent.
Il en est de même des personnalités « toxiques » qui peuvent alimenter les situations stressantes ou conflictuelles mais là encore, il faut éviter d’incriminer la personne (pas toujours facile !) et se concentrer sur la cause, parfois cachée, de la tension.
Les individus manipulateurs, autoritaires ou égocentriques créent souvent un malaise plus ou moins déclaré dans leur entourage professionnel. Certains semblent même rechercher les explosions. De plus, ces traits de caractère s’accompagnent d’une rigidité peu propice à la résolution des conflits ouverts (un compromis étant alors assimilé à « perdre la face »). À moins qu’une mutation ou un licenciement pour cause réelle et sérieuse soit envisageable, il faut composer avec la présence de ces individus et, pour éteindre les tensions, considérer que ce ne sont pas ces personnes mais les conséquences de leur comportement qui généreront les différentes causes de tension.
Les types de conflits
Donc, à partir d’un facteur déclencheur qu’il n’est pas toujours simple d’identifier, des tensions s’installent, provoquant un stress plus ou moins marqué. Elles peuvent évoluer en conflit, que divers comportements caractérisent.
Quels sont-ils ?
Le conflit « froid » ou larvé : les protagonistes adoptent une stratégie de fuite (retrait ou déni). Une situation de blocage qui peut s’accompagner d’un harcèlement.
La soumission ou accommodation : on s’efface devant l’autre. Mais ce n’est pas quand l’expression de ses membres est bridée qu’une organisation donne le meilleur d’elle-même…
Le conflit « chaud » : des comportements agressifs se manifestent à la suite d’un évènement souvent anodin (la goutte d’eau qui fait déborder le vase). Paradoxalement, c’est lorsque le conflit évolue de cette façon qu’il a le plus de chances d’être résolu car plus personne ne peut feindre d’ignorer l’antagonisme. Notamment, le manageur doit prendre ses responsabilités.
Ci-dessous, la Femme qui bat son mari (A. Bosse, vers 1633, musée Carnavalet).
Les conséquences
Chacun réagit aux conflits selon sa personnalité : certains prennent du recul quand d’autres sont déstabilisés, certains intériorisent quand d’autres explosent, certains cherchent à comprendre quand d’autres se braquent. Les conséquences diffèrent donc selon le profil psychologique des acteurs.
Attention, un simple conflit interpersonnel peut devenir contagieux et évoluer en tension entre deux clans si chaque collègue prend position pour l’un ou pour l’autre. C’est alors une bonne partie de l’énergie des équipes qui se retourne contre elles-mêmes.
Une tension qui dure a des effets néfastes sur le travail (certains ont l’esprit ailleurs, la communication passe mal…), donc sur la productivité. L’absentéisme et même le turnover peuvent s’installer.
En revanche, lorsqu’un conflit est résolu, la cohésion de l’équipe est renforcée.
La gestion des conflits
C’est une banalité de dire que plus un problème est traité rapidement, plus il sera facile à résoudre. Comme acteur ou comme témoin, nous avons tous connu des différends vite réglés (tellement vite que l’on ne s’en souvient plus) mais aussi de vieilles rancœurs tenaces…
La prévention passe par la communication et l’empathie, mais aussi par un bon fonctionnement de l’organisation (voir la prévention du stress).
Retenons trois modes de résolution, hormis les procédures judiciaires.
La médiation est conduite par une personne extérieure, reconnue comme neutre et respectée par les parties. Elle prend la forme d’un débat contradictoire au cours duquel le médiateur écoute les arguments de chacun avant de proposer un compromis. Solution à privilégier lorsqu’il s’agit d’un conflit de personnalités.
L’arbitrage est rendu par un tiers, souvent le responsable hiérarchique. Après avoir écouté séparément les protagonistes, il impose une solution de sortie du conflit.
La négociation se passe de tierce personne, quoiqu’il soit toujours possible de déléguer (contrairement aux médiateurs et aux arbitres, les négociateurs ne sont pas neutres). Les parties se réunissent et s’accordent sur des ajustements (changements que l’on est prêt à accepter, concessions et donc compromis).
Dans tous les cas, le processus reste le même : savoir observer pour détecter les véritables causes et les besoins, évaluer les différentes solutions, choisir le moyen le mieux adapté pour résoudre le problème, prendre une décision et la faire adopter avec diplomatie puis, plus tard, évaluer le résultat.
Les règles à respecter sont l’écoute (ne pas interrompre les parties qui s’expriment), la gestion des émotions, la responsabilisation sans crainte de brusquer mais sans chercher un « coupable », le recentrage sur les objectifs et la réflexion sur les effets du conflit, la sortie par le haut pour que personne ne perde la face.