La sociologie

Sociologie : objet et démarche

Selon le Petit Larousse, la sociologie est l’étude scientifique des sociétés humaines et des faits sociaux. Le terme date du dix-neuvième siècle et il est dû à Auguste Comte. Certes, des questionnements sur la société ont toujours existé, du moins depuis Aristote. Mais cette discipline n'est devenue une science que depuis deux siècles à peine.

 

Une science encore jeune

Pourquoi une naissance si tardive ? Certainement parce que les sociétés occidentales devenaient plus complexes et que… la société acceptait enfin d’être elle-même un sujet d’étude. Le poids de la religion s’allégeant progressivement dans la conscience collective depuis la Renaissance, les connaissances scientifiques connurent un développement exponentiel (qui se poursuit toujours) jusqu’à s’étendre aux sciences de l’humain. Et tant que les techniques statistiques n’étaient qu'embryonaires, les études sociologiques n’avaient rien de scientifique.

Pour définir une science, il faut un objet d’étude et le soumettre à une démarche scientifique. Attardons-nous sur ces deux critères.

 

L’objet d’étude

La société n’est pas une juxtaposition d’individus, loin de là. Ce qui se passe dans la tête des gens relève de la psychologie et non de la sociologie. Si l’on considère que les phénomènes collectifs sont une simple addition de comportements individuels, alors la sociologie est sans objet, elle n’existe même pas !

Ce n’est pas le cas (ouf !). L’étude du corps humain n’est pas l’étude des cellules qui le composent. Et la conscience humaine ne se résume pas à une juxtaposition de neurones. Idem pour une société d’abeilles, de loups ou… d’humains. Le tout représente beaucoup plus que la somme de ses éléments.

Ainsi notre société s’est construite sur de nombreuses générations. Des structures sociales et des éléments de culture qui existaient avant nous façonnent nos façons de penser et d’agir, même si nous n’en avons pas toujours conscience au quotidien.

Dès la naissance, nous sommes tous engagés dans un processus de socialisation.

Ce sont ces pressions que le sociologue étudie, soit au niveau d’un groupe social, soit à un niveau plus général mais toujours dans le cadre d’une problématique, au contraire de l’ethnologue qui s’intéresse aux différentes sociétés dans leur ensemble. L’étude peut porter sur les entreprises, le système éducatif, les agriculteurs, une sous-culture particulière, etc.

Bonne nouvelle, il existera toujours de nouveaux questionnements pour les sociologues puisque les sociétés évoluent.

Précisons que la sociologie s’intéresse aussi à l’impact du collectif sur l’individu. L’une des premières études à avoir été publiées fut le Suicide d’Émile Durkheim (1897). Dans ce célèbre ouvrage, l’auteur montre qu’un acte a priori aussi personnel que le suicide peut être en partie déterminé par des considérations sociales. Il en vient à présenter une classification des suicides.

Comment explique-t-on les faits sociaux ? En adoptant une démarche scientifique.

 

La démarche scientifique

Le commun des mortels a souvent un avis sur tous les phénomènes sociaux. Ce sont des opinions ou des jugements de valeur qui trouvent leurs origines dans des lectures, des reportages, des discussions ou des expériences personnelles.

sens commun

Au contraire, le sociologue analyse comment la société fonctionne, sans porter de jugement de valeur et sans proposer de solutions pour qu’elle évolue vers un hypothétique bonheur collectif. En effet, son rôle n’est pas de résoudre des problèmes mais de comprendre. Pour reprendre les termes de Montesquieu, précurseur des sociologues  : « décrire ce qui est, non ce qui doit être. »

Par exemple, la criminalité est un problème social mais non un problème sociologique. Éventuellement, ce peut être une problématique, un sujet d’étude pour le sociologue mais en tout cas pas un problème (le problème sera par exemple de trouver des statistiques fiables !).

Ceci n’implique pas que ses travaux doivent se cantonner aux universités, même si ce fut longtemps le cas. Ainsi, les décideurs politiques s’appuient sur les travaux de sociologues et d’économistes. Quant au grand public, il n’accède bien souvent qu’à des études de seconde main (en d’autres termes, à des articles de presse qui résument des études de sociologues).

La démarche scientifique répond à la question « comment ? ». Comment peut-on analyser une société dans laquelle on vit, tout en gardant suffisamment ses distances pour interpréter un fait social de façon totalement neutre, sans le juger ? Grâce à une méthode et à des techniques.

Méthode et techniques sont des termes souvent confondus. La méthode offre un cadre général. Par exemple, la méthode historique s’appuie sur la recherche des causes d’un phénomène social qui peuvent remonter à plusieurs siècles. Les techniques sont des outils pratiques. Par exemple, la technique de l’entretien ou des techniques statistiques (d’ailleurs expliquées dans le site web ici présent).

Il existe deux grandes catégories de techniques qui sont complémentaires, quoique de nombreux sociologues ont une préférence pour l’une ou l’autre. Elles ne répondent pas aux mêmes questions.

Les techniques qualitatives recourent aux observations, aux questions ouvertes, aux entretiens…

Les techniques quantitatives s’appuient sur des questionnaires aux questions fermées et des données chiffrées (donc soit sur des statistiques établies par le chercheur, soit déjà publiées par un organisme). Un cursus universitaire de sociologie comprend d’ailleurs des cours de mathématiques et surtout de statistiques.

Exemple de complémentarité : l’étude du mal-être des enseignants peut être étayée par des statistiques et par des enquêtes qualitatives. Les statistiques proviennent soit de données officielles de l’Éducation nationale (le turnover passe de \(0,1\%\) en 2010 à \(0,25\%\) en 2017), soit d’enquêtes (selon un sondage Harris, \(91\%\) des enseignants estimaient que leur métier se dégradait en 2013 contre \(73\%\) en 2004). Mais pour rechercher les causes de ce malaise, l’étude qualitative est indispensable. Ainsi, M. Danner, G. Farges, S. Garcia et H. Fradkine ont publié une étude qui s’appuie sur des entretiens conduits auprès de 47 professeurs des écoles quittant l’enseignement primaire. Ainsi ces deux types d’études sont complémentaires car l’analyse quantitative montre l’ampleur et l’évolution du phénomène tandis que l’analyse qualitative cherche à en déterminer les causes.

Il existe aussi deux approches méthodologiques : soit le chercheur part de l’individu, soit il part des structures sociales. Notez que l’on retrouve cette même distinction en science économique.

Enfin, comme c’est le cas dans toutes les sciences, une étude ne part jamais de zéro. Un sociologue qui envisage de travailler sur une problématique commence par lire ce que ses confrères ont écrit sur le sujet.

 

La sociologie aujourd'hui

Un reproche que l'on peut adresser à ce qu'est devenue la sociologie est son hyperspécialisation (qui n'est pas en soi un mal) au détriment d'une vision d'ensemble, y compris en comparaison de sociétés animales, qui permettrait de dégager des lois générales, à l'instar de la physique ou des mathématiques.

    Les sciences sociales produisent de très nombreux travaux relevant de la "recherche minutieuse", mais peinent à produire des "principes généraux" et, pire encore, rejettent souvent l'idée selon laquelle des "principes généraux" pourraient être formulés. Les chercheurs en sciences sociales sont comme des promeneurs qui découvrent et décrivent les caractéristiques des paysages à travers leurs pérégrinations sur le terrain, mais qui ne possèdent ni carte (ou vision d'ensemble) ni boussole peur permettant de se repérer et de s'orienter (Bernard Lahire, les Structures fondamentales des sociétés humaines, La Découverte, 2023).

Il existe peu de revues francophones grand public mais le magazine Sciences humaines (qui ne se limite pas à la sociologie) offre d’intéressants articles…

https://www.scienceshumaines.com/

Plus spécialisée et de niveau universitaire : Sociologie.

https://journals.openedition.org/sociologie/