Les banques centrales

Rôle des banques centrales et BCE

Les banques privées existent depuis la fin du Moyen Âge, du moins dans certaines villes italiennes. Mais avec le développement de l’économie et du rôle de l’État, il est devenu indispensable au pouvoir politique d’instituer une banque spécifique dans l’intérêt collectif (pour les raisons que nous allons évoquer) et petit à petit, la quasi-totalité des pays se sont dotés d’un tel organisme.  La doyenne est la banque d’Angleterre (1694). La Banque de France a été créée en 1800 par Bonaparte, alors premier consul, sur l’instigation de banquiers. Le but était de mettre fin à une situation anarchique et à une inflation persistante. Elle n’a été nationalisée que 1er janvier 1946. Aux États-Unis, la Federal Reserve (Fed) est apparue beaucoup plus tard (1913). Là encore, le pouvoir politique souhaitait se doter d’un « outil » pour répondre aux soubresauts financiers qui avaient agité le pays (auparavant, de puissants banquiers privés se chargeaient de réguler les situations de crise).

Nous verrons quelles sont généralement les missions des banques centrales, en gardant à l’esprit que toutes ne fonctionnent pas de la même façon, ni avec les mêmes structures ni avec les mêmes prérogatives. Ensuite, nous évoquerons le cas particulier de la BCE, banque centrale supranationale de la zone euro.

 

Politique monétaire (agir sur la quantité de monnaie)

Pourquoi l’action sur la quantité de monnaie est-elle importante ? Dans les grandes lignes, retenons que trop de monnaie crée de l’inflation (voire une crise de confiance dans la monnaie) et que trop peu freine le crédit, donc la croissance. La définition de la politique monétaire, c’est-à-dire la recherche d’un équilibre ou d’actions adaptées à la situation économique du moment, constitue la mission principale des banques centrales. Hors situation de crise, certaines se limitent donc à contrôler la quantité de monnaie en circulation (BCE, par exemple). Mais d’autres banques centrales ont une mission élargie (lutte contre le chômage, fixation des taux de change…).

Les banques commerciales sont tenues de détenir un compte à la banque centrale. Ce sont les réserves obligatoires, qui représentent un certain pourcentage de leurs dépôts (en mars 2016, ce taux est descendu à zéro pour la zone euro). Mais la banque centrale peut décider, en cas de besoin, d’augmenter cette proportion pour limiter les crédits (donc la masse monétaire) ou inversement, de permettre une diminution pour laisser une plus grande latitude aux banques, malgré les risques inflationnistes qui s’ensuivent. En 2011, la banque de Chine a imposé jusqu’à \(21,5\%\) de réserves obligatoires pour contenir les risques d’inflation. Ces réserves ne font pas partie de la masse monétaire.

Le taux directeur est le taux d’intérêt que la banque centrale applique aux prêts qu’elle accorde aux banques commerciales. Plus ce taux est élevé et plus le refinancement leur coûte cher. Ceci se traduit d’une part par davantage de refus de crédits aux entreprises et ménages et d’autre part par la répercussion de cette hausse sur l’ensemble des taux (ce qui, là aussi, dissuade le recours au crédit).

Une banque centrale crée aussi de la monnaie lorsqu’elle fait des avances au Trésor public. Elle s’acquitte de cette fonction pour que l’État paie les agents publics et rembourse sa dette, à l’instar des banques commerciales qui créent de la monnaie en octroyant des prêts.

Une banque centrale a aussi le pouvoir d’agir sur les liquidités disponibles sur le marché monétaire. En pratiquant le réescompte, c’est-à-dire en achetant aux banques des effets de commerce déjà escomptés, elle crée de la monnaie « plus tôt que prévu ».

La monnaie créée par une banque centrale, qu’elle soit fiduciaire ou scripturale (réserves obligatoires), est appelée monnaie centrale ou base monétaire (MO). Les banques commerciales ont besoin de monnaie centrale pour approvisionner leurs distributeurs de billets, respecter leur niveau de réserves obligatoires ou encore verser à leurs consœurs les sommes dues lors d’opérations de compensation.

 

Monnaie fiduciaire

La banque centrale décide de la quantité de monnaie fiduciaire en circulation. D’une part elle a le monopole d’émission (la « planche à billets ») et d’autre part elle récupère des billets en circulation pour les détruire (en situation normale, elle ne détruit que ceux qui sont abîmés). De nos jours, ce n’est pas par ce canal qu’une action sur la masse monétaire montre une quelconque efficacité puisque la monnaie fiduciaire n’en représente qu’une faible proportion. Nous l’avons vu, c’est sur la quantité de monnaie scripturale qu’une banque centrale dispose d’importants leviers.

Précisons que toutes les banques centrales n’ont pas ce privilège d’émission. Par exemple, en 2000, l’Équateur a abandonné sa monnaie nationale, le sucre, afin que le dollar américain devienne la monnaie officielle du pays (phénomène de dollarisation).

 

Gestion des réserves de change

La gestion de réserve de change se traduit elle aussi par un ajustement de la masse monétaire. Lorsque des agents nationaux détiennent des créances en devises, la banque centrale peut les racheter en créant de la monnaie nationale.

Ainsi le bilan de la BCE est surtout constitué de réserves de change en dollars. Cela peut donc sembler paradoxal mais la situation financière de la BCE est d’autant meilleure que le dollar s’apprécie par rapport à l’euro !

billets

 

La banque des banques

La banque centrale doit faire en sorte que les banques commerciales ne manquent pas de liquidités. Cette fonction est très importante en période de crise bien qu’elle existe tout le temps, notamment par le système du réescompte.

Dans un système capitaliste, le plus gros danger reste une faillite en chaîne des banques conduisant à une paralysie totale du système financier. Si certaines d’entre elles ont un besoin immédiat de fonds, la banque centrale est alors « prêteur en dernier ressort », c’est-à-dire qu’elle injecte de l’argent disponible contre des créances à plus long terme ou des actifs en garantie.

On l’a vu lors de la crise des subprimes. Il faut préciser que celle-ci n’aurait pas existé sans le comportement irresponsable de certaines banques, y compris de banques centrales aux politiques monétaires très laxistes. En revanche, lorsque la demande a chuté et que les faillites d’entreprises se sont succédé, les banques centrales ont joué leur rôle en baissant leurs taux directeurs et en permettant aux banques de trouver toutes les liquidités dont elles avaient besoin, celles-ci étant réticentes à se prêter mutuellement. Elles ont aussi racheté des actifs dépréciés, puis des titres de dette publique afin de permettre les relances budgétaires.

 

Information

Une banque centrale a enfin pour mission la publication d’études et de statistiques dans le domaine monétaire.

 

La BCE (Banque centrale européenne)

La Banque centrale européenne (BCE) et le Système européen de banques centrales (SEBC) ont été créés le 1er juin 1998. Sept mois plus tard, c’est l’euro qui a vu le jour. De toutes les banques centrales, la BCE est certainement la plus indépendante du pouvoir politique. Cette situation procure l’immense avantage de ne pas être soumis à des politiques de court terme ou à des luttes de pouvoir entre États de la zone euro, mais elle pose aussi la question d’une légitimité démocratique et bride les États qui souhaiteraient procéder à une politique budgétaire de relance.

Le Conseil des gouverneurs de la BCE définit la politique monétaire et les 28 banques centrales nationales (BCN) sont chargées de l’appliquer. Le SEBC, qui met en œuvre la politique, est composé de la BCE et des BNC.

L’objectif premier du SEBC et de la BCE est la stabilité des prix. La lutte contre le chômage n’est donc pas une priorité pour la BCE. Cette dernière ne crée pas directement de la monnaie mais fixe le taux directeur, le montant des billets à émettre par les banques centrales nationales, permet le refinancement des banques commerciales mais ne prête pas aux États.

Sur les missions de la Banque de France : https://www.banque-france.fr