Les monopoles

Différents types de monopoles

Le monopole désigne à la fois la forme de marché dans lequel un seul offreur existe face à une multitude de demandeurs et l’offreur lui-même (on l'appelle aussi monopoleur).

Souvent synonyme d’abus, il n’a pas bonne presse. Souvent à juste titre mais pas toujours.

Faiseur de prix

Le monopole est faiseur de prix (price maker) car il est le seul vendeur sur le marché, ce qui lui confère un pouvoir de marché considérable. En l'absence de concurrence, il n’a pas à se soucier de la réaction d'autres entreprises ni même de celle des consommateurs, souvent captifs, et il peut fixer le prix de ses produits à un niveau qui maximise son profit (voir l'équilibre du monopole). On parle de rente de monopole, ou de surprofit. Celui-ci n’est pas un phénomène transitoire, comme c’est le cas en situation de concurrence pure et parfaite. Il peut tout à fait se maintenir sur le long terme.

Si toutefois le monopole augmente ses prix il risque d’avoir du mal à vendre ses produits. En fonction de la courbe de demande, il peut donc opter pour un prix élevé pour peu de clients ou un prix bas pour de nombreux clients.

Il arrive que le monopole soit « discriminant », c’est-à-dire qu’il module son prix de vente selon la clientèle, ou plutôt selon l’élasticité-prix de la demande. Prenons l’exemple d’une compagnie aérienne qui détient l’exclusivité d’une liaison entre deux destinations. Un billet d’avion peut être facturé plus cher lorsque la demande n’est pas élastique (voyages d’affaires, début et fin de vacances scolaires) et meilleur marché aux périodes où les particuliers peuvent décaler leur voyage.

En réduisant le surplus du consommateur, le monopole a un impact négatif sur l’ensemble du circuit économique.

Mais comment une organisation peut-elle en arriver à exercer un monopole ?

Monopoles naturels

Un monopole est dit naturel lorsqu’il se justifie par des contraintes techniques élevées. Les coûts fixes sont tels que si deux concurrents se disputaient le marché, ils n’auraient pas suffisamment de clients pour les amortir. Graphiquement, la courbe de coût moyen d'un monopole naturel reste décroissante sur le long terme en raison des économies d'échelle. C'est pourquoi le coût marginal est toujours inférieur au coût moyen (contrairement au cas le plus fréquent ; voir l'exercice de maths niveau première de dérivées de fonctions de coûts).

Voyons quelques exemples.

• L’électricité : dans de nombreux pays, il est impossible que plusieurs entreprises fournissent de l'électricité en raison des coûts élevés associés à la construction et à l'entretien des réseaux. Par conséquent, une seule entreprise peut être en mesure de fournir efficacement de l'électricité à toute une région, créant ainsi un monopole naturel.
  
  


• La distribution de l’eau : de manière similaire, la distribution d'eau potable est gérée plus efficacement sur une zone donnée par une seule entreprise, pour cause de coûts fixes élevés associés à la mise en place et à la maintenance des infrastructures de distribution. Et l'on n’imagine guère les habitants d’une même ville ayant le choix entre plusieurs distributeurs…


• L’assainissement de l’eau est un exemple proche des précédents, pour les mêmes raisons.

Monopoles institutionnels

Il arrive que les pouvoirs publics souhaitent détenir un contrôle exclusif sur un marché. Le monopole institutionnel, ou légal, n’obéit pas seulement à une logique économique mais aussi à des considérations politiques (justice sociale, santé publique…).

Observons là encore quelques exemples.

1. Le service postal est un monopole institutionnel dans de nombreux pays. Ceci permet à l’État de fixer les tarifs postaux. Contrairement aux monopoles privés, la poste a une mission de service public. Même si c’est moins le cas aujourd’hui dans l’Union Européenne, l’affranchissement du courrier a été pendant un siècle et demi particulièrement bon marché. En France, la Poste a perdu le monopole de la distribution du courrier en 2011.



2. En France, la Française des Jeux détient le monopole des jeux de hasard « pour des motifs d’ordre public et de maîtrise des risques de dépendance » (Conseil d’État, 2023).


3. Les banques centrales émettent généralement la monnaie nationale et détiennent souvent un monopole institutionnel sur son émission et sa régulation. En tant que seul organisme autorisé à émettre de la monnaie, une banque centrale a un contrôle total sur la politique monétaire et peut influencer les taux d'intérêt et l'offre de monnaie.


4. La Chine est le seul offreur mondial de pandas géants. Depuis 1984, il n’est plus possible d’en acheter un. Tous les pandas de n’importe quel zoo de la planète sont loués à la Chine et, par contrat, ceux qui y naissent doivent lui être restitués.

Monopoles d’innovation

Un producteur peut détenir l’exclusivité d’une avancée technologique, temporairement protégée par un brevet.

Deux exemples.

1. Lorsqu'un laboratoire pharmaceutique détient un brevet sur un médicament innovant, elle peut avoir un monopole sur la production et la vente de celui-ci pendant la durée du brevet. Cela lui donne un pouvoir de marché significatif pour fixer les prix à des niveaux élevés, car il n'y a pas de concurrents offrant des alternatives. Ce monopole est souvent discriminant, le prix du même médicament pouvant varier très fortement d’un pays à l’autre.
   
   
   
2. Une entreprise peut développer une technologie exclusive qui lui donne un monopole temporaire sur un marché particulier. Par exemple, une entreprise de la tech peut détenir un monopole sur un logiciel ou un produit innovant pendant un certain temps avant que des concurrents ne puissent développer des alternatives ou trouver des moyens de contourner la technologie exclusive.

Dans ces exemples, les monopoles d'innovation résultent souvent de la protection de la propriété intellectuelle ou d'avantages compétitifs découlant de la recherche et du développement. L'un comme l'autre sont limités dans le temps. Parfois, le brevet comporte une faille et des concurrents s'engouffrent dans la brèche, comme ce fut le cas lorsque Nestlé dut partager son juteux marché des dosettes Nespresso.

À l’inverse, un monopole peut reposer sur un savoir-faire devenu unique car tous les concurrents ont disparu, faute de demande suffisante. Il arrive que des produits du terroir ou artisanaux ne soient plus proposés que par une personne ou une famille.