Le bêta

Sensibilité des actions

Introduisons ici le B.A.-BA des statistiques appliquées à la finance, à savoir un indicateur de sensibilité d’un titre aux mouvements du marché. Et si on l’a affublé du nom de « bêta » ne nous y trompons pas car il est riche d’enseignement.

Avant de procéder aux présentations, plantons le décor.

 

Zone à risques

Ce n’est un secret pour personne, les marchés de capitaux sont dangereux, risqués, minés partout ou presque… Si la Bourse dévisse dans son ensemble (ce dont elle a, lors de certaines périodes, la triste habitude), on parle de risque systémique ou systématique. En revanche, un risque spécifique est propre à une valeur ou à un portefeuille qui ne reflète pas l’évolution du marché.

Pas d’originalité extra-lucide : les risques encourus sont évalués en observant les variations passées des prix d'une action ou des points d’un indice boursier.

cours d'action

 

Le bêta

Ce fameux bêta mesure le risque d'un titre ou d'un portefeuille par rapport au marché (ou à un autre benchmark, éventuellement). Il est obtenu par une bonne vieille régression linéaire simple, la variable explicative étant la rentabilité du marché et la variable à expliquer étant la rentabilité du titre (et non pas les points d'indice et le prix de l'action).

Imaginez, sur une période donnée, un nuage de points représentatif des observations « variation du titre » (en ordonnée) et « variation de l’indice de référence » (en abscisse). Ce n’est pas une série chronologique puisque les valeurs sont triées en fonction des rentabilités de l’indice. Ce nuage est résumé par une droite des moindres carrés. Le coefficient de corrélation donne une idée, sur la période choisie, de la qualité de la liaison entre l'évolution du titre et celle du marché. Le coefficient de régression (c’est-à-dire le coefficient directeur de la droite d’ajustement) est le coefficient d’amplification du titre par rapport à l’indice (il peut être négatif). C'est le bêta. La constante de régression indique quant à elle la variation du titre lorsque le marché est stable.

Le bêta permet de qualifier un titre d’offensif (\(>1\)) ou de défensif (\(< 1\)). Pour prendre quelques exemples du CAC 40 en 2013, des actions au bêta élevé étaient Renault, Alcatel-Lucent ou Société Générale tandis que des actions au bêta faible étaient France Telecom, Essilor ou Danone. Les premières intéressent davantage les spéculateurs très actifs tandis que les secondes constituent des valeurs défensives.

Un tracker qui reproduit les variations d'un indice possède un bêta de 1. Un investissement dans ce type de produit financier relève d'une « gestion bêta », par opposition aux investissements dans les hedge funds qui traduisent une « gestion alpha ».

Cela dit, par nature, la plupart des valeurs varient plus fortement que leur indice composite de référence puisque ce dernier amortit les fluctuations individuelles qui se compensent partiellement entre elles.

Soit, sur une période donnée, la rentabilité \(R\) d’un investissement et \(R_m\) celle du marché (ou d’un indice de référence). Équation « basique » du modèle linéaire :

\(R = \alpha + \beta R_m + \varepsilon\)

Désolé de changer les notations par rapport aux pages de statistiques mais puisque le coefficient de régression s’appelle bêta, il faut bien s’adapter…

Concrètement, un investisseur futé (pléonasme ?) privilégie logiquement les titres au bêta élevé s’il anticipe une hausse du marché et les titres au bêta faible s’il anticipe une baisse…

Au-delà de cette application comparative, le bêta est un élément de l'équation fondamentale du MEDAF, modélisation de la relation entre la prime de risque du marché et celles des différents portefeuilles. C’est pourquoi cet indicateur est fréquemment calculé pour estimer les expositions au risque. Toutefois, le seul bêta ne suffit pas pour les expliquer en totalité.

Cet indicateur sommaire n’est cependant pas d’une très grande fiabilité, spécialement en cas de divergence entre court et long terme. À titre d’exemple, l’action Total épouse à peu près les fluctuations du CAC 40 sur l’année alors que sur certaines périodes, sa variation quotidienne est contraire à celle de l’indice (une hausse des prix du brut pouvant être favorable au secteur pétrolier et défavorable au reste de l’économie).

Contrairement au bêta, la sensibilité des obligations ne s'apprécie pas de façon statistique mais grâce aux mathématiques financières.

 

bêta