Des exemples de politique de concurrence

Fusions et abus de position dominante

Quel doit être le rôle de l’État dans l’économie ? Selon les libéraux, il doit d’abord et avant tout faire respecter les règles de la concurrence. Comment et pourquoi ?

Le comment, c’est le rôle des autorités de concurrence. Ici, nous verrons deux de ses leviers d’action :

  • Contrôler et parfois empêcher les fusions-acquisitions
  • Lutter contre les abus de position dominante.

Le pourquoi, c’est entre autres choses pour préserver le surplus du consommateur contre les velléités de grosses entreprises de se dégager des surprofits, à terme préjudiciables à tous. Mais nous découvrirons d’autres raisons.

 

Fusions-acquisitions

Il y a fusion lorsque deux entreprises ou plus mettent leur patrimoine en commun pour n’en former qu’une seule. Celle-ci peut être une nouvelle société ou une entreprise déjà existante.

Si une société prend possession d’une autre et que cette dernière conserve sa personnalité morale, voire une certaine autonomie, on parle d’acquisition. Si son nom disparaît et que son organisation est entièrement fondue dans celle de l’acquéreur, on parle d’absorption.

Ainsi peut-on distinguer trois modes de fusion :

  • La fusion-absorption : l’intégralité du patrimoine d’une entreprise est transmise à une autre. Soit la société absorbante a acquis l’intégralité des parts sociales de la société absorbée, soit les associés de l’absorbée détiennent désormais des parts dans l’absorbante.

  • L’échange de titres : une société A échange une partie de ses titres contre ceux de la société B qui devient sa filiale.

  • L’apport partiel d’actifs : même chose mais seulement une partie des parts de B est échangée.

Pourquoi des fusions-acquisitions ?

La fusion peut être horizontale (entre concurrents ou avec une entreprise ayant une activité complémentaire), verticale (à deux niveaux différents de la chaîne de valeur) ou conglomérale (diversification dans un autre secteur d’activité). Les raisons d'une fusion sont donc multiples.

Une concentration horizontale conduit à des situations de monopole ou d’oligopole, avec les risques de pratiques anticon­currentielles que cela implique :

  • les consommateurs risquent d’avoir moins de choix.

  • un trop fort pouvoir de marché peut se traduire par une hausse des prix. Si le prix du marché n’est plus celui de l’équilibre, le surplus des consommateurs diminue.

  • une concurrence trop faible n’incite ni à innover ni à  produire des produits de qualité. Imaginez un champion sportif face à des concurrents de très faible niveau : il ne donnera pas le meilleur de lui-même et, à terme, il végètera.

judokas

Les autorités de concurrence sont donc particulièrement vigilantes. Certes, la plupart des opérations sont acceptées…

    Enfin une bonne nouvelle pour Meta sur le front de la réalité virtuelle (VR). La maison mère de Facebook et Instagram, engagée dans un difficile pivot vers le métavers, va finalement pouvoir procéder au rachat de Within, qui édite Supernatural, une application de fitness en VR à 20 dollars par mois. L'acquisition de la start-up a jusque-là été empêchée par la FTC, le gendarme américain de la concurrence (les Échos, 10 février 2023).

Mais si un marché court le risque d’être dominé par un acteur faiseur de prix, les autorités mettent leur veto.

Par exemple, en 2017, la Commission européenne a interdit la fusion des bourses de Londres et de Francfort.

En 2019, elle a refusé la fusion entre Alstom et Siemens qui aurait donné naissance à un monopole sur certains segments du ferroviaire (très grande vitesse et signalisation).

TGV postal

Les concentrations verticales et conglomérales sont plus rarement épinglées que les concentrations horizontales.

 

Abus de position dominante

L’abus de position dominante survient lorsqu'une entreprise détient une position de monopole ou de quasi-monopole et en abuse pour restreindre la concurrence, par exemple en fixant des prix excessivement élevés (lire la page sur la perte sèche) ou en verrouillant le marché. Comme nous le verrons, cette pratique présente de multiples possibilités. D’ailleurs, des prix trop bas peuvent aussi servir d’arme contre de nouveaux venus sur un marché, auquel cas les consommateurs ne sont pas perdants du moins à court terme.

La politique de la concurrence lutte contre les abus afin de protéger les consommateurs mais aussi les entreprises.

Examinons quelques exemples.

    La Commission européenne a infligé à Apple une amende de plus de 1,8 milliard d'euros pour abus de position dominante sur le marché de la distribution d'applications de diffusion de musique en continu auprès des utilisateurs d'iPhone et d'iPad (ci-après les « utilisateurs d'iOS ») par l'intermédiaire de son App Store. La Commission a notamment constaté qu'Apple imposait aux développeurs d'applications des restrictions les empêchant d'informer les utilisateurs d'iOS que d'autres services d'abonnement musical moins chers étaient disponibles en dehors de l'application (…). Ces pratiques sont illégales au regard des règles de l'Union européenne en matière de pratiques anticon­currentielles (Commission européenne, 4 mars 2024).

Cet abus est lié à l’un des piliers de la concurrence pure et parfaite : la libre circulation de l’information.

    L'Autorité de la concurrence a infligé au groupe Sony une amende de 13,5 millions d'euros, pour abus de position dominante pendant 4 ans sur le marché des manettes de jeux vidéo pour sa console Playstation 4. (…) D'une part, explique l'Autorité, Sony a déployé à partir de novembre 2015 des mesures techniques « prétendument pour lutter contre la contrefaçon » mais qui ont « eu pour effet d'affecter le bon fonctionnement des manettes de jeux tierces (produites par d'autres fabricants et sans licence officielle Sony), conduisant régulièrement à leur déconnexion lors des mises à jour du système d'exploitation de la console » (…). En outre, Sony a pratiqué « une politique d'octroi de licence opaque, ayant dans un certain nombre de cas conduit à une impossibilité, pour des entreprises concurrentes souhaitant commercialiser des manettes compatibles avec la console Playstation 4, d'intégrer le programme de partenariat » officiel (Stratégies, 20 décembre 2023).

Ce deuxième exemple montre que les consommateurs ne sont pas les seuls à être lésés par un abus de position dominante. Les petits producteurs le sont aussi. D’ailleurs ce sont souvent eux qui saisissent les autorités de concurrence. Quant aux gamers, ils n’ont pas juste à déplorer un prix élevé : s’ils ne peuvent plus utiliser leurs manettes, ils doivent en racheter d’autres au prix Sony.

    Entre 2002 et 2006, Intel a payé HP, Acer et Lenovo pour arrêter ou retarder le lancement de produits équipés des processeurs AMD, concurrents de ses processeurs x86, a conclu la Commission européenne. Il a été condamné à une amende de 376,36 millions d'euros, bien moins élevée que celle initialement prévue de 1,06 milliard d'euros (l’Usine digitale, 22 septembre 2023).

Ici, les concurrents ne sont apparemment pas lésés. Ils ont été « dédommagés » pour retarder la commercialisation de leur produit. En revanche, si l’on ajoute ces dessous-de-table aux profits générés par Intel, on obtient le surcoût que les consommateurs ont dû payer sans qu’ils s’en aperçoivent (montant à tout jamais indéterminé !).

 

abus de position dominante