Le protectionnisme

Autarcie, protectionnisme et droits de douane

La protection douanière a vu le jour dans l’Angleterre du quatorzième siècle. À l’époque, la laine était exportée en Flandre pour y être tissée. Le roi Edouard IV estima que son peuple pouvait parfaitement tisser la laine et interdit l’importation de draps. Ce fut le début d’une industrie qui fit la gloire de l’Angleterre durant plusieurs siècles.

Si le libre-échange a été promu par de grands économistes (voir les avantages du libre-échange), le protectionnisme l’a été par de nombreux dirigeants politiques. Cette pratique consiste à limiter les importations par des taxes ou la réglementation. Elle se distingue de l’autarcie.

 

L’autarcie

Il n’existe pas de théorie pour légitimer l’autarcie, qui est le fait pour une communauté ou un pays de se suffire à lui-même. Hormis des peuples qui, pour des raisons géographiques, n’avaient pas de contact avec l’extérieur, aucune nation n’a vécu en autarcie complète, c’est-à-dire sans commercer avec l’extérieur.

Pour un pays, conduire une politique d’autarcie serait à la fois très prétentieux et complètement irréaliste sauf à détenir toutes les matières premières possibles ou à abandonner la plupart des biens de production et de consommation. Certaines nations, comme l’Allemagne hitlérienne, ont toutefois eu ces velléités.

L’économiste français François Perroux a établi la distinction suivante :

  • L’autarcie de repliement peut être nécessaire en cas de guerre. C’est une situation provisoire qui oblige à utiliser tous les moyens de production humains et matériels, y compris les pires (facteurs de production marginaux) et à trouver de nombreux produits de remplacement. Le point positif, c’est qu’à force de débrouillardise et d’inventions, cette situation conduit à des découvertes.

  • L’autarcie d’expansion est la conséquence de la précédente. Pour satisfaire une population en situation d’autarcie, il faut élargir l’espace vital (plus de forêts, de terres cultivables, de mines, de zones de pêche…). Nous retrouvons d’ailleurs les prétentions hitlériennes.

 

Le protectionnisme temporaire

Comme les parents protègent leurs enfants, une nation peut souhaiter défendre une très jeune industrie, le temps qu’elle se développe. Cette démarche est salutaire à moyen terme mais si les importations sont freinées, la population doit accepter le sacrifice de produits manquants ou plus chers…

C’est l’économiste allemand Friedrich List qui fut le premier à apporter un bémol à la théorie du libre-échange après un séjour aux États-Unis. Au début des années 1830, il s’émerveilla du dynamisme de ce pays neuf qui protégeait ses industries naissantes contre la concurrence britannique. La pratique avait précédé la théorie.

Le frein au commerce international peut aussi être un moyen de réallouer les capitaux. Exemple : dans les années 1930, Atatürk institua des droits de douane pour réorienter l’épargne turque du commerce vers le secteur industriel.

Nous avons qualifié ce protectionnisme de « temporaire » car il l’est en intention. Mais il peut aussi durer très longtemps ! En France, une période de protection aux frontières a duré de 1815 à 1860. Après les guerres napoléoniennes, l’industrie et l’agriculture avaient besoin de se reconstituer. Mais la convalescence s’est un peu éternisée pendant que (ou parce que) l’Angleterre vivait sa révolution industrielle…

 

Le protectionnisme durable

Une nation peut aussi vouloir protéger tout ou partie de ses secteurs économiques pour maintenir les salaires et l’emploi concurrencés par une main d’œuvre bon marché de l’autre bout du monde. Et ceci même s’il ne s’agit pas de jeunes industries.

En outre, chaque pays possède des normes qui ont une incidence financière sur les producteurs locaux. Elles concernent notamment la protection de l’environnement et la sécurité. Or les produits importés peuvent ne pas les respecter, ce qui est un prétexte pour les interdire. Souvent, ce type de mesure est plus politique que basée sur des raisons sérieuses. Par exemple, un fromage français à pâte molle non pasteurisé ne peut pas entrer aux États-Unis (bien qu’il soit certainement moins risqué pour la santé qu’une bouteille de soda).

La plupart du temps, il est très difficile de faire respecter la réciprocité des normes. Bon nombre de jouets commandés par Internet et livrés depuis l’étranger ne sont pas totalement sûrs pour les enfants (selon les critères de l’importateur) et si un plat préparé est importé, il est impossible de savoir si ses ingrédients respectent les normes du pays d’accueil (pesticides pour les fruits et légumes, espace d’élevage pour la viande…).

Ce non-respect peut même prendre la forme d’un protectionnisme à l’envers ! C’est ce que dénoncent régulièrement les agriculteurs européens soumis aux normes les plus sévères de la planète. Tout en invoquant la nécessité du libre-échange, les autorités de l’UE acceptent l’entrée de denrées concurrentes dont il est difficile de vérifier les conditions de culture ou d’élevage.

manifestation avec tracteurs

 

Le protectionnisme monétaire

Aujourd’hui, la technique protectionniste globale la plus efficace consiste à sous-évaluer sa monnaie. Elle a été utilisée par la Chine entre le début des années 80 et les années 2010.

Ainsi, les produits chinois n’étant pas payés à leur juste valeur, ils étaient vendus très bon marché à l’étranger et réciproquement, les importations étaient artificiellement onéreuses pour la Chine. De plus, si un exportateur chinois était payé en dollars, la banque (d’État) lui échangeait contre des yuans mais conservait une bonne partie des devises pour les investir à l’étranger, par exemple en bons du Trésor américains.

 

Le protectionnisme compensateur

Les droits de douane compensateurs ont pour but de rétablir une situation de concurrence faussée. Si par exemple un pays étranger subventionne une industrie, lui permettant de vendre sa production à moindre coût, le pays importateur augmente les droits de douane pour rétablir des prix justes selon les règles du marché (au bénéfice de ses producteurs mais au détriment du pouvoir d’achat !).

Ce type de protectionnisme est très difficile à mettre en œuvre. Il n’est pas simple de savoir où vont les subventions d’un pays étranger ou de prouver un dumping commercial, c’est-à-dire le fait pour les entreprises de vendre leurs produits plus chers sur le marché intérieur qu'à l’export.

 

Modalités

La prohibition est l’interdiction pure et simple d’importer certains produits, pour des raisons fiscales (quand il existe un monopole d’État), sanitaires (stupéfiants…), environnementales, de protection (contrefaçons), etc. L’interdiction d’exporter existe aussi : nourriture en période de disette, produits de fouilles archéologiques, espèces protégées… Légalement, c’est souvent le simple transport de produits prohibés qui est interdit, les passages à la frontière n’étant qu’un cas particulier.

Depuis toujours, les prohibitions ont fait naître des trafics illégaux.

    Pour défendre leurs industries textiles (…), l’Angleterre en 1700 et en 1720, la France, dès 1686, interdirent la vente, sur le territoire national, des toiles des Indes. Celles-ci continuèrent cependant à arriver, en principe pour la réexportation, mais la contrebande s’en donnant à cœur joie, elles furent partout, pour le plaisir des yeux et la satisfaction d’une mode tenace, qui se moquait des interdictions, des descentes de police et des saisies de marchandises. (F. Braudel, Le Temps du Monde, A. Colin, 1979).

Le contingentement est la limitation de la quantité de produits importés. Il n’implique pas automatiquement une majoration des prix de vente. La quantité maximale peut être fixée globalement ou par pays mais pour que le contrôle soit efficace, il prend souvent la forme de licences d’importation.

Les droits de douane sont un moyen classique de limiter les effets d’importations trop nombreuses sur la balance des paiements (encore que cet effet peut être contrebalancé par une dévaluation, comme nous l’avons vu). Nous avons évoqué leur rôle protecteur. Mais quand l’importateur ne produit pas les marchandises taxées (du thé au Royaume-Uni, du coton en France…), le but est seulement d’augmenter les recettes de l’État. Cette source de revenu peut être particulièrement prisée par les pays en voie de développement qui ont besoin de ressources financières pour soutenir leur croissance.

Enfin, les droits de douane sont utilisés comme levier dans les négociations commerciales internationales. Les dirigeants peuvent ajuster les tarifs douaniers pour inciter certains pays à conclure des accords ou à modifier leurs politiques commerciales.

On distingue les droits ad valorem qui dépendent du prix du produit et les droits spécifiques qui ne tiennent compte que de sa nature. Les premiers sont plus justes car plusieurs niveaux de prix peuvent co-exister (voitures, smartphones…) tandis que la seconde est plus simple à mettre en œuvre.

Un produit en transit, qui ne fait qu’entrer dans un pays pour en ressortir sans subir de modification, n’est pas assujetti aux droits de douane. D’ailleurs vous avez certainement croisé des camions avec l’acronyme TIR (Transit International Routier) …

Les entrepôts sous douane sous des lieux surveillés dans lesquels les entreprises stockent des produits sans payer de droits. Elles ne les règlent que si ces produits en sortent pour être transformés ou vendus sur le territoire. En attendant, elles ont gagné de la trésorerie. Les entrepôts sont gérés soit par les services des douanes, soit par les entreprises elles-mêmes. Aucun droit n’est dû si les marchandises sont réexportées.

 

prohibition