L'intensité de la concurrence

Exemples de marchés plus ou moins concurrentiels

La célèbre loi de l’offre et de la demande fonctionne plus ou moins bien selon les marchés. Notamment, un niveau de concurrence insuffisant peut gripper le mécanisme. Survolons quelques exemples.

Note : nous n'aborderons pas les défaillances de l'État dans son rôle de gendarme des marchés. En France, c'est l'Autorité de la concurrence qui est chargée de faire respecter les règles (lutte contre les ententes, les abus de position dominante et les fusions-acquisitions risquant de fausser le jeu de la concurrence).

 

Exemples

Le 6 octobre 1973, profitant de la fête juive du Yom Kippour, les armées égyptienne et syrienne attaquent Israël par surprise. Si cette offensive est jugulée avec promptitude, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (O.P.E.P.) décide de réduire les livraisons de pétrole à l’Occident, jusqu’à restauration « des droits légaux du peuple palestinien ». Ce premier « choc pétrolier » conduit au quadruplement du prix de l’or noir en trois mois. Sous la direction de Jean-Pierre Rioux. Histoire du monde de 1918 à nos jours, Larousse 2004.

C’est l’un des exemples les plus célèbres de hausse des prix car il a marqué la fin des « trente glorieuses » et le début d’une succession de crises économiques qui perdure aujourd’hui. Moins de pétrole disponible : comment s’adapter dans l’immédiat ? Première possibilité : des files d’attente interminables devant les stations-service. C’est ce qui se passe de nos jours lorsque des grèves paralysent les dépôts de carburant. Seconde possibilité : augmenter les prix pour réduire la consommation. Ainsi, certains automobilistes n’ont plus les moyens financiers d'utiliser leur voiture individuelle comme avant et découvrent de nouveaux moyens de transport (vélo, train…). C’est ce qui s’est produit.

Cet exemple montre aussi l’effet d’une entente entre les producteurs. Ce marché est soumis à un degré de concurrence faible et son accès est très limité puisque seuls quelques pays sont en mesure d’exporter du pétrole. En revanche, l’information, qui est l’un des éléments caractérisant une concurrence parfaite, est particulièrement bonne : le pétrole est coté (à New York et à Londres) et la production de chaque pays est publique.

Passons à un cas de figure opposé.

Les prix à la production des noix reculent de \(30\%\) à \(50\%\) en Californie sous l’effet de disponibilités abondantes, la Chine et les États-Unis n’ayant de cesse d’accroître leurs tonnages. En Europe, cela se traduit après l’effet de change et la répartition des marges par une baisse de prix de \(20\%\) en un an. À l’issue de la campagne 2015-16, la production mondiale de noix atteindrait son record absolu, à 1,9 million de tonnes (\(+8\%\) en un an). La Chine et les États-Unis, qui représentent à eux deux \(80\%\) de la production mondiale, ont augmenté leurs tonnages au cours des dernières années (…). L’an dernier, 60 000 tonnes de noix sont restées invendues (…). Importatrice nette de noix, l’Union européenne, qui produirait 117 000 tonnes cette année (\(+5\%\) par rapport à la campagne 2014-15), enregistre pour sa part des prix en recul de \(20\%\) sur un an. L’Usine nouvelle, mars 2016 (ci-dessous, Noix par Grandville, musée Carnavalet).

noix

Cet exemple est beaucoup moins célèbre que le premier mais cette situation de surproduction n’est pas rare, surtout dans le monde agricole. En l’occurrence, le nombre de noix produites explose. Ce n’est pas pour autant que les consommateurs vont se ruer dessus. Pour que ces noix supplémentaires ne soient pas jetées, il faut baisser leurs prix. Ainsi les ménages sont plus enclins à en consommer et l’industrie agro-alimentaire trouve plus avantageux d’en intégrer dans ses produits transformés.

S’il y a davantage de noix sur le marché, c’est soit que des fruiticulteurs ont augmenté leur production, soit que de nouveaux producteurs ont investi le marché (en réalité, il y a certainement les deux !). Mais certains fruiticulteurs ne peuvent pas supporter cette baisse du prix de leur production, pour diverses raisons. Dans un modèle libéral « parfait », ils disparaîtraient aussitôt.

Or ce n’est pas le cas. Comme le précise l'article, il reste beaucoup d’invendus. Ceci prouve que, théoriquement, les prix auraient pu baisser davantage.

Car cet exemple ne montre pas seulement comment fonctionne la loi de l’offre et de la demande dans une situation de surproduction lorsqu’existent de très nombreux offreurs et demandeurs. Il permet aussi d’en déceler les limites. Certains producteurs subissent des pertes mais ne disparaissent pas pour autant. La demande de noix n’est peut-être pas très élastique et si les prix poursuivaient leur baisse, les stocks d'invendus resteraient peut-être au même niveau. Certes, de nouveaux marchés peuvent être envisagés (par exemple de nouveaux pays consommateurs) mais le circuit de distribution ne peut pas s’adapter instantanément (les goûts des consommateurs non plus !).

Remarquez au passage que si à l’inverse il existait une forte demande de noix, les prix s’envoleraient mais il faudrait plusieurs années pour que l’appareil de production s’adapte (en termes moins économiques, il ne suffit pas de planter un noyer pour récolter des noix le lendemain). C'est seulement alors que les prix pourraient théoriquement revenir à leur niveau de départ.

Il existe des marchés sur lesquels les prix s’ajustent immédiatement en fonction de l’offre et de la demande. Ces marchés sont les bourses (de valeurs, de matières…). Ainsi les prix des actions de sociétés cotées au CAC 40 sont révisés de façon continue (et publié toutes les 30 secondes).

Autre exemple, l’immobilier.

(…) le prix d’un logement parisien dépasse désormais les 9 000 € du m² en moyenne. Et les acheteurs sont de plus en plus nombreux. (…) Une des raisons de cette envolée des prix est une demande soutenue (…). Enfin, ce n’est pas le neuf qui va augmenter l’offre et faire baisser les prix. Au 30 juin 2017, seuls 465 nouveaux logements étaient disponibles à la vente selon l’Adil 75. Le Parisen, 13 novembre 2017.

maisons

Ici, Nous sommes en présence d’un bien relativement rare (par rapport à la demande) sur un marché composé de très nombreux acheteurs et de vendeurs… un peu moins nombreux. Le marché est donc très concurrentiel mais son fonctionnement est particulier puisque la quantité de biens disponibles est presque figée. Sur ce marché l’information est publique.

Un dernier exemple.

Les avions de ligne long-courriers sont un produit très particulier. Certes, il existe des « prix catalogue » mais les prix réels se négocient. Les avionneurs sont très peu nombreux sur le marché international puisque Boeing et Airbus se partagent la quasi-totalité du marché. La concurrence entre eux est féroce mais peut-on vraiment parler de marché concurrentiel ? Non puisqu'on ne peut pas parler de libre entrée sur le marché, qu’il n’existe que ces deux offreurs et que l’information ne circule pas avant que soit signé un contrat de vente.

avion

Pour terminer, précisons que sur la plupart des marchés, une différence de prix peut aussi se justifier parce que les produits ne sont pas tout à fait les mêmes. Une compagnie aérienne peut préférer un Airbus ou un Boeing en fonction d'éléments autres que le prix, comme un automobiliste choisit sa voiture selon des critères parfois subjectifs. La différenciation des produits est aussi un élément qui éloigne le modèle de concurrence parfaite du monde réel.

 

Résumons-nous

Théoriquement un prix d’équilibre se fixe de lui-même en fonction de la quantité offerte d’un produit et de la quantité demandée. Toutefois, il est très rare que ce mécanisme se déroule de façon parfaitement fluide. Dans la réalité, les prix ont plutôt tendance à se comporter ainsi.

Un marché concurrentiel suppose de nombreux offreurs et demandeurs ainsi qu’un accès facile, tant à l’information (avec comme écueil l'asymétrie d'information) qu’au marché lui-même (comme vendeur ou comme acheteur). Et ces conditions sont très rarement réunies.

 

offre et demande