Liens du travail : historique et tendances
Depuis l’Antiquité, les liens de subordination au travail ont connu diverses formes. Certes, les dirigeants n’ont plus le même profil qu’autrefois. Durant des millénaires, ils étaient pour la plupart simplement nés du bon côté : les peuples vainqueurs, les fortunés ou l’aristocratie. Aujourd’hui, ce déterminisme n’a pas complètement disparu mais heureusement, la compétence intervient bien davantage !
Un peu d'histoire
Un lien de subordination très ancien est celui de l’esclavage. Mais il serait historiquement erroné d’assimiler un prisonnier de guerre des Assyriens à un précepteur de l’empire romain (eh oui, les profs particuliers de l’époque étaient des esclaves). Certains avaient plus de droits que les serfs du Moyen Âge mille ans plus tard, tandis que d’autres étaient voués à une mort rapide en raison de conditions inhumaines. Il n’existait pas de rémunération en numéraire mais sous forme de logement et de nourriture. L’esclavage a perduré très longtemps (officiellement aboli en 1980 en Mauritanie mais il existe encore dans plusieurs pays).
Le travail pouvait aussi s’apparenter à un tribut en échange de la protection d’un souverain ou être lié à la dévotion. Par exemple, les bâtisseurs des pyramides d’Égypte n’étaient pas des esclaves.
Les premières corporations sont elles aussi nées durant l’Antiquité. Elles se sont multipliées au Moyen Âge avant d’être interdites, en 1791 en France par la loi Le Chapelier puis dans les autres pays européens au fil des conquêtes napoléoniennes.
Jusqu’au dix-neuvième siècle, les salariés se louaient le plus souvent à la journée. Les autres étaient pour la plupart des domestiques ou des compagnons. Mentionnons aussi la proportion importante de paysans-ouvriers (petits exploitants agricoles qui devenaient salariés urbains en hiver).
La révolution industrielle a débuté à la fin du dix-huitième siècle en Grande-Bretagne. Née de nouvelles sources d’énergie et d'innovations technologiques, elle s’est propagée lentement dans son pays d’origine, puis dans le reste du monde. D'autres facteurs ont été prépondérants (nouvelle organisation du travail, modernisation de l’agriculture...) et une des conséquences a été l'explosion du salariat.
Les conditions de vie épouvantables et les salaires dérisoires des ouvriers ont conduit le législateur à réagir contre les abus en imposant progressivement un droit du travail plus protecteur. Les progrès n’ont pas été fulgurants pour autant : il fallut attendre 1884 pour que la liberté syndicale soit reconnue, 1936 pour que les salariés bénéficient de deux semaines de congés payés (trois en 1956, quatre en 1969, cinq en 1982), etc.
Le développement des usines a nécessité de gros capitaux. C’est pour accompagner ce mouvement que la plupart des grandes banques qui existent encore aujourd’hui ont vu le jour. La révolution industrielle a aussi permis l’essor d’une autre classe sociale, celle des détenteurs de capitaux (capitalistes).
Après la révolution russe de 1917, des pays se sont tourné vers un système collectiviste dans lequel c’est l’État qui détient le « capital », ce qui rappelle certains modèles antiques : faible rémunération des ouvriers, quasi-impossibilité d’entreprendre mais forte protection sociale.
Après la seconde guerre mondiale, la séparation entre capitalistes et ouvriers est devenue moins tranchée. Une importante classe moyenne a émergé ; aux revenus des salariés se sont ajouté des revenus du capital (création de la participation, facilité à investir en bourse…). Le monde du travail a poursuivi sa mutation avec la forte croissance du secteur tertiaire et la féminisation débutée dans les années 60.
Aujourd’hui, le salariat reste le lien de subordination permanente le plus courant mais les réalités sociales évoluent et le code du travail s’adapte.
Traditionnels et nouveaux
Il existe plusieurs types de contrats de travail dans le secteur privé (principaux contrats en page de flexibilité, mais il en existe aujourd’hui une multitude !).
Pour les entreprises, la tendance actuelle est cependant de se centrer sur le cœur de métier et d’externaliser les autres fonctions. D’où le développement de liens de travail qui, s’ils ne sont pas réellement nouveaux, deviennent de plus en plus fréquents.
Quant aux salariés, ils s’adaptent aussi. Ils ont de plus en plus fréquemment plusieurs employeurs.
Travailleurs indépendants ?
Le salarié a un certain nombre de devoirs, au premier rang desquels la fourniture d'un travail et le respect des instructions. Il a aussi des droits.
Nous avons vu que son statut était progressivement devenu plus protecteur. C’est le cas dans le cadre du travail (congés payés, temps de travail, obligations diverses) mais aussi en situation de rupture du contrat. Certains entrepreneurs jugent ces contraintes excessives et le niveau des contributions patronales trop élevé. Ce statut est-il devenu trop protecteur ?
Parallèlement aux délocalisations, les organisations ont externalisé de plus en plus de tâches, voire la quasi-totalité pour se centrer sur leur cœur de métier. Depuis déjà longtemps, il nous paraîtrait étrange que le personnel de ménage d’une banque en soit salarié ! Notez que cette externalisation va de soi lorsqu’elle nécessite une expertise particulière. Par exemple, une entreprise n’est jamais sa propre agence de publicité.
Mais traditionnellement, ces tâches étaient tout de même réalisées par des salariés (intérimaires, sous-traitants…) ou des franchisés. Et si déjà dans les années 90 on prévoyait l’éclatement du salariat, peu de futurologues envisageaient sa disparition.
C’était avant Uber.
Depuis les années 2010, un nouveau système de lien s’étend dans le monde du travail. Profitant des TIC, des entreprises gèrent des plateformes qui mettent en relation des professionnels indépendants et leurs clients. Ce mode de fonctionnement est appelé ubérisation (c’est la société californienne Uber a initié le mouvement à l’échelle mondiale).
Ainsi, il n’existe plus de lien juridique de subordination. Mais si l’employeur est en situation de quasi-monopole, les autoentrepreneurs qui travaillent grâce à lui se trouvent contraints d’accepter des conditions parfois pesantes. En cas de refus, ils s’exposeraient non seulement à la perte de leur emploi mais aussi à l’impossibilité de rembourser leur outil de travail (voiture achetée à crédit, par exemple).
En France, la proportion de salariés dans la population active occupée a grimpé jusqu'en 2013 avant d'amorcer une timide décrue.
Secteur public et contractualisation
Dans le secteur public, il existe deux catégories de contrats de travail : de droit public et de droit privé. Le contrat de droit public s’applique aux fonctionnaires. Ils sont recrutés sur concours puis titularisés après une période de stage. Leur rémunération n’est pas un salaire mais un traitement. Leurs droits et obligations ne sont pas fixés par le droit du travail mais par le statut de la fonction publique.
Le lien de subordination est plus exigeant que dans le secteur privé puisque les obligations des fonctionnaires s’étendent au-delà de leur fonction : interdiction de cumuler avec un emploi du secteur privé (sauf dérogation), secret professionnel, obligation de réserve (limites à la liberté d’expression) …
Au sens large, la contractualisation définit l’existence d’un contrat de travail entre un employeur et un salarié. Elle n’a rien de nouveau. Dans un sens plus restrictif, un contractuel est une personne non titulaire qui travaille dans le secteur public et dont l’emploi a vocation à être exercé par un fonctionnaire. Il existe d’ailleurs d’autres catégories de non-titulaires : vacataires, stagiaires, auxiliaires…
Un contractuel n’a ni la sécurité de l’emploi d’un fonctionnaire, ni le même niveau de rémunération et de retraite pour un travail souvent identique. Ainsi, pour des raisons budgétaires, l’État et les collectivités ont de plus en plus recours aux emplois précaires.
Vis-à-vis de l’employeur, le lien de subordination est le même pour le fonctionnaire et pour le contractuel.