Risque financier et seuil de rentabilité financier
Finance et risque vont souvent de pair, les marchés financiers nous le confirment assez souvent ! Par exemple, le bêta est une mesure bien connue du risque véhiculé par une action. Les risques de change, de taux ou de produits dérivés sont autant d’écueils qui guettent les investisseurs ou les entreprises. Mais nul besoin d’un marché d’instruments financiers pour avancer en terrain miné. En effet, les risques de liquidité ou de contrepartie existent en dehors. Quant au risque financier tel qu’il est introduit ci-dessous, il décrit simplement un effet mécanique lié aux dettes.
L’endettement permet à une entreprise d’améliorer sa rentabilité financière, à condition bien sûr que la rentabilité dégagée par son exploitation soit supérieure au taux d’intérêt de la dette.
Toutefois, si une regrettable baisse d’activité est à déplorer, les effets bénéfiques de l’endettement deviennent des effets pervers. C'est le risque financier.
Le mécanisme
L’entreprise dégage une rentabilité économique (RE), mesurée par un résultat économique ou un excédent brut d’exploitation rapporté à un actif économique. La rentabilité financière (RF) est d’ailleurs fonction de celle-ci. Soit D l’ensemble des dettes, i leur taux d’intérêt moyen et CP le montant des capitaux propres. Ces grandeurs sont liées par l’égalité suivante :
\(\rm{RF} = \rm{RE} + \frac{\rm{D}}{\rm{CP}} (\rm{RE} - \rm{i})\).
En toute rigueur, on raisonne après paiement de l’impôt sur les bénéfices, ce que nous ne ferons pas afin de simplifier la présentation.
Le ratio \(\frac{\rm{D}}{\rm{CP}}\) est le levier financier (qui devient effet de massue si \(\rm{i} > \rm{RE}\)). En l’absence de dette, le levier est évidemment nul et les deux rentabilités, économique et financière, sont égales.
Par conséquent, trois facteurs peuvent expliquer le niveau d’un taux de rentabilité financière : la rentabilité économique, le niveau relatif des dettes qui agit par effet de levier et l’écart entre le taux d’intérêt des emprunts et la rentabilité de l’exploitation.
Ainsi, plus l’endettement est important, plus les actionnaires en tirent des bénéfices lorsque la rentabilité économique est supérieure au taux moyen d'endettement mais plus la situation est dangereuse car, à l'occasion d'un retournement conjoncturel, elle peut plonger au-dessous. L’effet de massue est d’autant plus violent. C'est l'une des raisons pour lesquelles les agences de rating dévalorisent les entreprises qui s'endettent un peu trop...
On peut donc formuler l’équation d’une autre façon, c’est-à-dire en indiquant la variation possible de la rentabilité économique par son écart-type.
Si la rentabilité financière est égale à \(\rm{RE} + \frac{\rm{D}}{\rm{CP}} (\rm{RE} - \rm{i})\) alors les variances de ces deux grandeurs sont évidemment les mêmes. Donc…
\(V(\rm{RF}) = V\left[\rm{RE} + \frac{\rm{D}}{\rm{CP}}(\rm{RE} - \rm{i})\right]\)
\(V(\rm{RF}) = V \left[\rm{RE}(1 + \frac{\rm{D}}{\rm{CP}}) - \rm{i} \frac{\rm{D}}{\rm{CP}} \right]\)
Nous raisonnons toutes choses égales par ailleurs. Donc, par hypothèse, les taux d’intérêt, le montant des dettes et celui des capitaux propres sont fixes. Leurs variances sont donc nulles. Il nous reste :
\(V(\rm{RF}) = V \left[\rm{RE}(1 + \frac{\rm{D}}{\rm{CP}})\right]\)
\(\Leftrightarrow V(\rm{RF}) = V(\rm{RE}) \times (1 + \frac{\rm{D}}{\rm{CP}})^2\)
Les racines carrées des deux termes mettent en évidence le lien entre les risques mesurés par les écart-types.
\(\sigma (\rm{RF}) = \sigma (\rm{RE}) \times (1 + \frac{\rm{D}}{\rm{CP}})\)
Sous votre regard ébahi apparaît une cruelle vérité : la rentabilité économique se répercute de façon AMPLIFIÉE sur la rentabilité financière et cette amplification est d’autant plus importante que le taux d’endettement est élevé. C'est l'effet du levier financier.
Qu’en conclure ?
Si la rentabilité de l’exploitation devient plus faible que le taux d’intérêt moyen des emprunts et que l’on souhaite limiter les dégâts, il faut faire appel aux actionnaires (ou conserver en réserve le bénéfice de l’année précédente) pour réduire l’effet de massue.
Le seuil de rentabilité financier
Une autre façon d’évaluer le risque financier est de se positionner par rapport au seuil de rentabilité financier.
Le seuil de rentabilité, tel qu’il est calculé en contrôle de gestion, est le chiffre d’affaires à réaliser pour que les frais fixes soient complètement absorbés par la marge sur coûts variables, donc pour lequel le résultat d’exploitation est nul. L’une des formules est la suivante :
\(\rm{SR} = \frac{\rm{CA} \times \rm{CF}}{\rm{MCV}}\)
Ou, ce qui revient au même, les coûts fixes divisés par le taux de marge sur coûts variables (exemple ci-dessous).
Ici, c’est le chiffre d’affaires pour lequel le résultat courant après impôt est nul (rappelons que, grosso modo, le résultat courant est le résultat d’exploitation moins les charges financières). Ceci revient à utiliser la formule ci-dessus en considérant les charges financières comme des frais fixes.
Comme tout seuil de rentabilité, celui-ci permet le calcul d’une marge de sécurité et d’un indice de sécurité.
Prenons un exemple : soit un chiffre d’affaires de 100, des charges variables d’exploitation de 50, des charges fixes d’exploitation de 30 et des charges financières de 5. Que peut-on tirer de ces quelques chiffres ?
Pour mémoire, le résultat d’exploitation s’établit à \(100 - 50 - 30,\) soit 20, tandis que le résultat courant (avant impôt) s’élève à 15.
Le taux de marge sur coûts variables est de \(50\%.\) Le seuil de profitabilité (seuil de rentabilité appliqué à l’ensemble de l’exploitation) est donc égal à \(\frac{30}{0,5},\) soit 60. Quant au seuil financier, il est égal à \(\frac{35}{0,5},\) donc 70. D’où une marge de sécurité financière de 30, ce qui implique un indice de sécurité de \(30\%.\)