La diversité des marchés

Marchés : diversité et similitudes

En économie, la notion de marché regroupe une très grande variété d’échanges (échanges marchands, comme le nom l’indique). À travers quelques exemples, nous illustrerons cette diversité. De façon très limitée car le sujet est inépuisable. Nous verrons qu’il existe de nombreuses formes de marchés et que ceux-ci concernent à peu près tout ce que tout peut être échangé. Ensuite, nous distinguerons les points communs à ces situations hétéroclites.

 

Une longue histoire

Les marchés et les marchands ont existé bien avant la monnaie. À titre d’exemple, au néolithique, une denrée très recherchée était l’obsidienne. Cette roche volcanique très dure, le plus souvent noire, servait à fabriquer des outils parfois retrouvés à des centaines de kilomètres de leur source d’extraction. Au Moyen-Orient, les archéologues ont constaté que la qualité de l’obsidienne diminuait souvent au fur et à mesure que l’on s’éloignait des volcans. La conclusion probable, c’est que cette roche était échangée de village en village mais que chacun conservait les meilleurs morceaux si bien que les villages les plus éloignés devaient se contenter de l’obsidienne dont personne d’autre n’avait voulu.

Le Moyen Âge a été l’époque de célèbres foires qui duraient plusieurs semaines et où s’échangeaient des quantités considérables de produits (55 000 pièces de draps à Lagny-sur-Marne en 1280 !). Plusieurs d’entre elles se situaient dans le comté de Champagne. Pourquoi ? Pour des raisons qui prévalent encore aujourd’hui dans l’activité commerciale : la position géographique, la sécurité, une faible fiscalité et une monnaie stable (en l'occurrence le denier provinois, d'une bonne teneur en argent). Le lieu, d’abord : la Champagne est au carrefour des principaux foyers économiques européens de l’époque (Flandre, Italie du nord, Angleterre…). Notons au passage que c’est grâce à ce type de marché international que différentes régions d’Europe ont pu se spécialiser. La sécurité des transactions ensuite : le commerce ne peut se développer que si des règles de droit sont garanties dans une période de paix (voir la notion d'institution).

En effet, la foire médiévale n’avait rien d’anarchique. Les règlements avaient lieu au cours de la dernière semaine mais il existait un système de crédit permettant de reporter les paiements à une autre foire. Quant aux comtes de Champagne, ils assuraient à tous la sécurité physique et la justice. Ils prélevaient une taxe insignifiante (rien à voir avec notre TVA !) mais se rétribuaient indirectement à travers l'activité économique qui dérivaient des foires. Question ouverte : Thibaud le Grand, comte de Champagne, a-t-il inventé le capitalisme en 1137 ?

Lorsque cet ensemble de conditions propices s’est fissuré, les foires champenoises ont décliné. Les causes ont été l’ouverture de voies maritimes rendant leur position géographique moins stratégique mais surtout la politique du roi Philippe le Bel très peu favorable aux affaires (guerre contre l’Angleterre et la Flandre, confiscation des biens des banquiers lombards et des Juifs, fiscalité lourde…).

Toujours est-il que les foires ont évolué mais elles restent aujourd’hui encore des événements commercialement déterminants pour les exposants. Certaines sont spécialisées, comme le salon de l’auto créé en 1898 (aujourd’hui Mondial de l’automobile) ou les foires aux bestiaux, tandis que d’autres sont très éclectiques (Foire de Paris, depuis 1904).

salon de l'Auto

Notez que si les foires donnent aux professionnels l’occasion de faire découvrir et de vendre leurs produits, certaines offrent aux particuliers la possibilité d’échanger entre eux : les brocantes, bien sûr, mais aussi des manifestations géantes comme la Grande Braderie de Lille ou la Highway 127 Corridor Sale qui s’étend sur plus de 1 100 km entre le nord et le sud des États-Unis (prévoir de bonnes chaussures).

 

Marchés physiques et marchés virtuels

Ces marchés ont pour caractéristique commune une période et un lieu physique. D’ailleurs, lorsqu’on fait SON marché (au singulier), on se rend sur une place où des vendeurs se regroupent, en principe toutes les semaines. En revanche, lorsqu’on évoque LES marchés, il s’agit de la bourse des valeurs, des marchés des matières premières, bref de lieux qui étaient autrefois physiques mais où les opérateurs sont aujourd’hui tellement éparpillés qu’on ne sait plus vraiment où ils se situent. Ce n’a d’ailleurs aucune importance puisqu’ils travaillent uniquement sur ordinateur.

Car bien sûr, Internet est un « lieu » majeur d’échanges commerciaux. C’est le vecteur du e-commerce mais aussi d’échanges entre particuliers. Ainsi Leboncoin.fr, créé en 2006, est-il devenu un véritable phénomène économique mais aussi social. Ce qui au départ était une sorte de brocante virtuelle a vite étendu son champ d’action et il est aujourd’hui courant que les professionnels s’offrent une vitrine à bon compte sur ce site ou que des offres d’emploi y soient publiées.

 

Une foisonnante diversité

En effet, le marché ne se limite pas aux biens et services. On parle aussi du marché de l'emploi : il existe une offre et une demande de travail (ou plus précisément de compétences) qui s’ajustent sur un prix (le salaire).

D’ailleurs, dès qu’il y a échange marchand, il y a marché, y compris pour les devises (marché des changes), les taux d’intérêt, les obligations

Lors d’une vente aux enchères (de enchérir, rendre plus cher), ce qui est échangé est vendu au plus offrant. Historiquement, les premières transactions portaient sur… les femmes à marier (Babylone, 500 av. J-C). En général, il y a un vendeur et plusieurs acheteurs potentiels mais il existe aussi des enchères inversées avec plusieurs vendeurs pour un acheteur. Là encore, Internet a révolutionné le secteur, notamment avec eBay.

Marché du travail, Bourse, vente aux enchères, brocantes, tout ceci semble être un joyeux bazar (d’ailleurs un bazar est un marché). Peut-on tout de même y trouver des similitudes ?

 

Points communs

Si les marchés reposent sur des modalités et des objets de transaction infiniment variés, il existe néanmoins des principes communs.

En économie, le marché est la rencontre entre une offre et une demande. De l’obsidienne aux actions en passant le kebab-frites qui va vous faire grossir, il y a toujours quelqu’un qui vend et quelqu’un qui achète. En revanche, si vous essayez de revendre la serviette en papier qui maintenait votre kebab, vous n’y arriverez pas car il n’existe aucun acheteur pour cela, donc pas de marché.

Autre fondement, la propriété. On échange ce que l’on possède. Ce droit de propriété s’étend à la propriété intellectuelle, c’est-à-dire d’une part la propriété littéraire et artistique (droit d’auteur…) et d’autre part la propriété industrielle (brevet…). Parfois les choses se compliquent lorsqu’on échange des services. Par exemple la sous-location : Un loueur de voitures est rarement le propriétaire de ses véhicules. Ceux-ci sont peuvent être la propriété d’un crédit-bailleur. Il y a ici un marché de biens (entre le concessionnaire automobile et le crédit-bailleur) et deux marchés de services (entre le crédit-bailleur et le loueur, et entre le loueur et le particulier).

location de voiture

En outre, et nous l’avons vu avec l’exemple des foires de Champagne, l’existence d’un marché suppose celle d’institutions qui en garantissent le bon fonctionnement. Elles protègent le vendeur, l’acheteur et la transaction.

Exemple : dans l’agro-alimentaire, des contrôles sanitaires, dépendants des pouvoirs publics, vérifient que les normes sont respectées afin que les produits ne comportent aucun risque pour le consommateur et que l’étiquetage est conforme.

De même, une vente sur le web est sécurisée par une banque pour que la carte de l’acheteur ne soit pas piratée et que la clientèle garde sa confiance dans le vendeur.

Notez que si le droit de la consommation protège surtout l’acheteur, le droit du travail protège essentiellement celui qui vend ses compétences (le salarié).

Il est donc impératif de cadrer le marché pour qu’il s’exerce dans de bonnes conditions. Chaque pays adapte sa législation à sa culture. Une vente de résine de cannabis peut être légale dans un pays et punie de la peine de mort dans un autre. Les organes humains peuvent être donnés mais pas vendus. Quelquefois, les normes limitent exagérément les échanges : en France, les variétés de fruits et légumes autorisées à la vente font l’objet d’une liste (le catalogue officiel des espèces et variétés). Si une variété ancienne de pomme est « rescussitée » par des passionnés, il est interdit de la vendre !

fr.wikipedia.org/wiki/Catalogue officiel des espèces et variétés

Enfin, heureusement, tout n’est pas marché. Il existe des échanges non marchands : biens collectifs, dons, services offerts (tiens, ce site web par exemple) ...

 

monnayage