La comptabilité de gestion

Historique et techniques de la comptabilité de gestion

La comptabilité de gestion, autrefois qualifiée d’« analytique », est un outil de gestion interne. Contrairement à la comptabilité financière qui est obligatoire, celle-ci est facultative. Mais néanmoins indispensable.

 

Utilité

En effet, il s’agit ni plus ni moins d'établir le coût de chaque produit à chaque étape de son processus de fabrication ainsi que le résultat qu’il génère. Outils privilégiés du contrôle de gestion, ces informations permettent par exemple de comparer les rentabilités respectives des produits ou d’élaborer budgets et tableaux de bord.

Les problématiques de gestion interne ne sont pas les seules finalités de la comptabilité de gestion puisque la comptabilité financière l’utilise aussi (valorisation de stocks, des encours…) ; il n’existe donc pas de cloisonnement entre les deux comptabilités puisqu'un simple choix du contrôleur de gestion peut impacter directement un bilan et que la comptabilité financière constitue une source d'informations primordiale pour la comptabilité de gestion.

 

Limites

Attention, la détermination de coûts n’est pas une science exacte. Il existe plusieurs techniques qui peuvent conduire à des résultats contradictoires. À l’instar des statistiques, la comptabilité de gestion peut faire dire aux chiffres n’importe quoi. Une bonne connaissance du terrain est donc nécessaire car le choix de l’outil le plus adapté ne se trouve ni dans les livres, ni hélas sur le site web que vous avez la bonne idée de consulter en ce moment.

 

Techniques

Une trame historique va nous servir de prétexte pour recenser les principales techniques utilisées (note : les décennies de leurs apparitions, telles qu’indiquées ci-dessous, sont parfois sujettes à discussion).

En ces temps reculés où des Ford T noires sortaient des chaînes de Highland park, c’est-à-dire au début du vingtième siècle, les objectifs stratégiques des dirigeants et des ingénieurs étaient de fabriquer un produit standard tout en veillant à ce que les coûts soient maîtrisés. Encore fallait-il évaluer ceux-ci dans ce nouvel environnement de travail rationalisé, ce qui n’allait pas de soi comme aujourd’hui...

Les techniques de mesure héritées de la révolution industrielle se perfectionnèrent jusqu’à l’aboutissement d’une technique de coût complet (full costing) : les centres d’analyse, autrefois nommés « sections homogènes ». Il était dès lors possible de répartir non seulement l’ensemble des charges directes sur les différents produits à chaque étape de leur fabrication, ce qui n'était pas nouveau, mais aussi l'ensemble des charges indirectes. Et ceci grâce à une clé de répartition : l’unité d’œuvre.

atelier

Un coût complet intègre des charges directement imputables au produit mais aussi des charges indirectes. Cette méthode, encore utilisée aujourd’hui, fut rapidement complétée par une technique d’affectation des coûts « fixes » : l’imputation rationnelle.

L'établissement des coûts est bien sûr un constat. Mais il peut aussi servir de norme pour contrôler les dérapages. L'analyse des écarts représente toujours une part importante du travail d'un contrôleur de gestion.

L’évolution du suivi des coûts, puis de ce nouvel indicateur qu’est le retour sur investissement (ROI), s’est accompagnée de changements organisationnels. Ainsi, le chef d’atelier n’était plus seul à évaluer le travail des ouvriers puisque des services fonctionnels pouvaient surveiller à distance si les ressources étaient correctement employées à la réalisation des objectifs. En attendant l’invention de l’ordinateur, ces fonctionnels et leurs dirigeants mesuraient et contrôlaient grâce aux documents comptables qui leur étaient remis.

En effet, la façon la plus simple et la plus évidente d’informer a posteriori sur les dépenses et recettes n’est autre que la comptabilité. Un système de passations d’écritures fut alors mis en place, à côté de la comptabilité générale (qu’on appelle aujourd’hui « financière ») pour présenter les analyses de résultats par produits et par étapes de fabrication. L’ensemble des techniques propres à la détermination des coûts appelées à l’époque « comptabilité industrielle » puis « comptabilité analytique » prend aujourd’hui le nom de « comptabilité de gestion ». Cette évolution sémantique n’est pas gratuite et reflète les préoccupations des différentes époques.

En France, le plan comptable de 1947 prescrivait l’utilisation des « sections homogènes ».

Les années cinquante virent le développement du direct costing. La marge sur coûts variables devenait LA référence et sert encore aujourd’hui au calcul du seuil de rentabilité et du point mort. Cette technique, qui permet notamment de mieux comparer la rentabilité de plusieurs produits, a connu par la suite de nombreux développements (seuil de rentabilité probabilisé, coût marginal…). Aujourd’hui, on étudie davantage les interactions entre les résultats des différents produits et l’on parle plutôt de modèle « coût-volume-profit ». Les techniques de coûts partiels sont davantage complémentaires que concurrentes de celles des coûts complets.

De cette époque datent aussi les premiers travaux de psychologues qui montraient qu’une organisation du travail hyper-cloisonnée et déresponsabilisante démotivait les salariés. Cet état d’esprit pouvait se révéler contre-productif. D’ailleurs, la pyramide de Maslow allait bientôt devenir le prisme à travers lequel le monde de l’entreprise redécouvrait l’être humain (consommateur ou salarié). Les changements organisationnels induits par cette prise de conscience firent évoluer le contrôle de gestion.

Les années soixante furent une période de bouleversements multiples. La production était si bien rationalisée que l’offre devint supérieure à la demande, provoquant l’émergence du marketing. Ce phénomène a contribué à renverser la problématique de l’entreprise puisque c’est la production qui devait désormais s’adapter à une société de consommation et non une demande qui se laissait imposer les Ford T noires... La détermination du prix de vente n’était plus seulement une affaire de coûts et de marge. Par ailleurs, un nombre croissant de machines-outils polyvalentes s’est traduit par de nouvelles difficultés pour la comptabilité de gestion.

Diverses techniques de mesure des coûts furent créées à cette époque pour tenter de pallier les insuffisances des sections homogènes (méthode GP et son évolution en UVA, par exemple) mais sans grand succès.

Les années soixante-dix furent celles d’un pragmatisme induit par un environnement de plus en plus fluctuant. Les théoriciens conceptualisèrent dans un modèle cybernétique les ajustements permanents qui accompagnèrent cette évolution. Au Japon fut créée la technique des coûts cibles : le tout-puissant consommateur, qui jusqu’alors n’intéressait que la direction du marketing, s’invitait dans les règles de calcul des coûts.

Les années quatre-vingt apportèrent leur lot de nouveautés. S’intégrant toujours davantage à son environnement, le contrôle de gestion fut pensé à travers le modèle de la théorie des systèmes.

Bien que la méthode des centres d’analyse se révélât de moins en moins adaptée aux nouveaux modes de production et au développement des services fonctionnels, elle était encore privilégiée par le plan comptable de 1982. Toutefois, de nouvelles techniques allaient bientôt voir le jour : la méthode des coûts par activités (ABC), qui s’inscrit dans une logique transversale et non plus fonctionnelle, et le management par activités (ABM) conceptualisé par la théorie des systèmes.

Les activités tertiaires se sont étendues y compris en univers industriel, principalement au cours de la seconde moitié du vingtième siècle. D’où une inflation de charges indirectes et de sections auxiliaires. Nouvelle technique, la méthode ABC a entériné le décloisonnement entre les centres de décision et a tenu compte du développement des services fonctionnels. Désormais, c’est le coût d’une activité qu’il s’agit d’établir pour ensuite déterminer dans quelle proportion celle-ci peut être imputée à tel produit.

Les années quatre-vingt-dix aussi ont vu naître de nouveaux outils de gestion, parmi lesquels le tableau de bord prospectif (balanced scorecard).

Il est un peu tôt pour relever ce qui a émergé de durable au vingt-et-unième siècle, la diffusion des techniques de gestion étant moins rapide que celle des prouesses technologiques… Aujourd’hui, plusieurs techniques apparues au fil du temps coexistent, ce qui est tout naturel puisque divers modes de production coexistent eux aussi.

 

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