Le nombre pi

π : recherches historiques et applications

Le nombre pi, célèbre constante mathématique, fascine les mathématiciens et même le grand public depuis des millénaires. Sa valeur, approximativement 3,14159, est unique par sa nature irrationnelle et infinie. Son histoire, ses applications et ses particularités font de pi bien plus qu'un simple nombre. C'est un symbole universel qui transcende les frontières de la géométrie, de la science et de la culture.

 

Définition

Pi, symbolisé par la lettre grecque \(\pi,\) représente le rapport entre la circonférence d’un cercle et son diamètre. Peu importe la taille du cercle, le rapport reste constant. En d'autres termes, si l’on divise la longueur de la circonférence d’un cercle par la longueur de son diamètre, on obtient toujours une valeur proche de 3,14159265, soit la valeur de \(\pi.\)

 

Historique

La fascination pour \(\pi\) remonte aux premières civilisations. On en retrouve des approximations dans les travaux des anciens Babyloniens, Égyptiens et Chinois qui, avec les moyens de l'époque, tentaient d’expliquer ce mystérieux rapport.

Les protagonistes de cette longue histoire sont une succession de génies.

Vers -1900, les Babyloniens estimaient que \(\pi\) valait environ 3,125, une approximation obtenue à partir de calculs géométriques basiques.

Dans le Papyrus de Rhind (du nom du Britannique qui en fit l’acquisition), un recueil égyptien de problèmes mathématiques datant de -1650, on trouve des calculs qui suggèrent une valeur de \(\pi\) autour de 3,16. La surface d’un disque était approchée par celle d’un octogone.

Vers -700 à -600, ce sont les mathématiciens indiens qui améliorèrent la précision des calculs.

Les Grecs de l'Antiquité réfléchirent beaucoup au problème de la quadrature du cercle, c’est-à-dire à la construction d’un carré ayant exactement la même aire qu’un disque donné, ce qui nécessite de connaître la valeur de \(\pi.\) Parmi eux, Antiphon, Bryson, Euclide et Archimède (mort en -212). Ce dernier affina considérablement la valeur de \(\pi.\) Il est célèbre pour avoir utilisé une méthode basée sur des polygones, dite d’exhaustion, pour encadrer \(\pi\) entre 3,1408 et 3,1428.

Les travaux d'Archimède sur \(\pi\) furent si déterminants que ce nombre prit le nom de constante d'Archimède pendant plusieurs siècles.

Claude Ptolémée (mort vers 170) réussit à obtenir une valeur plus précise.

Au troisième siècle, c’est la Chine qui prit l’avantage. Liu Hui donna une très bonne approximation de \(\pi.\) Là encore, elle fut obtenue en comparant un cercle avec un polygone, mais cette fois… de 3 072 côtés !

Liu Hui

Vers 1400, l’Indien Madhava de Sangamagrama obtient une excellente valeur grâce à la série suivante :

\(\displaystyle{\pi = \sqrt{12}\left(1 - \frac{1}{3 \times 3} + \frac{1}{5 \times 3^2} - \frac{1}{7 \times3^3}+…\right)}\)

Quelques années plus tard, le Perse Al Kashi obtint 16 décimales.

Puis l’Europe reprit la tête de la course pour plusieurs siècles.

Le Français François Viète (1540-1603) découvrit une magnifique formule… qu’il ne put calculer avec les moyens de l’époque !

\(\pi\) \(=\) \(\displaystyle{2 \times \frac{2}{\sqrt{2}} \times \frac{2}{\sqrt{2+\sqrt{2}}} \times \frac{2}{\sqrt{2+\sqrt{2+\sqrt{2}}}} \times …}\)

L’Allemand Ludoph van Ceulen (1540-1610) parvint à 35 décimales, ce qui lui valu une renommée internationale. En 1630, l’Autrichien Christophe Grienberger en découvrit 39. Puis les Britanniques prirent le relais…

Isaac Newton découvrit une nouvelle formule vers 1665, puis l’astronome Edmond Halley encore une :

\(\displaystyle{\frac{\pi}{6} = \arctan \frac{\sqrt{3}}{3}}\)

Abraham Sharp calcula 71 décimales avec sa propre formule, puis John Machin 100 décimales avec la sienne :

\(\displaystyle{\frac{\pi}{4} = 4 \arctan \frac{1}{5} - \arctan \frac{1}{239}}\)

Nous en resterons là pour la course aux décimales.

William Jones (1675-1749) officialisa le symbole \(\pi\) pour définir ce nombre mystérieux. C’est la première lettre du mot grec qui signifie périphérie.

Il fallut attendre 1768 pour que le mathématicien suisse Johann Lambert prouve que \(\pi\) est un nombre irrationnel : sa valeur ne peut pas être représentée par une fraction exacte et sa suite décimale est infinie et sans périodicité.

En 1882, le mathématicien allemand Ferdinand Lindemann démontra que \(\pi\) est un nombre transcendant. Il n’est donc pas la solution d’une équation algébrique à coefficients rationnels, ce qui met fin à l'espoir des géomètres de découvrir un jour la quadrature du cercle.

 

Applications

Bien que \(\pi\) soit principalement associé aux cercles, ses applications s’étendent bien au-delà de la géométrie. On le retrouve dans de nombreux domaines des mathématiques et des sciences :

  • En géométrie : il est essentiel dans les calculs de périmètre et d’aire de formes circulaires. Par exemple, la formule de la circonférence d’un cercle, \(C=2πr\) et celle de son aire, \(A=πr^2\) montrent combien \(\pi\) est indissociable de la géométrie des cercles. Voir aussi les pages sur la sphère, le cylindre, le cône

  • En trigonométrie : \(\pi\) joue un rôle central dans les fonctions trigonométriques (sinus, cosinus, tangente...) car la période de ces fonctions est exprimée en termes de multiples de \(\pi.\)

  • En probabilités : depuis Buffon, puis Laplace et bien sûr la loi de Gauss, \(\pi\) est très présent dans un domaine qui ne semblait pas fait pour lui !

  • En physique : \(\pi\) est omniprésent en physique théorique et appliquée. On le retrouve dans les calculs d'ondes, d'oscillations, de mécanique quantique, et même dans la théorie de la relativité (loi de Coulomb, troisième loi de Kepler, principe d’incertitude d’Heisenberg, constante cosmologique \(\Lambda,\) etc.)

  • En ingénierie : dans la construction, l’électronique et d’autres domaines de l’ingénierie, \(\pi\) est utilisé pour les calculs de rotation, les trajectoires des projectiles et les configurations d'antennes radio.

  • En informatique : la fascination pour \(\pi\) a conduit de nombreux informaticiens à tenter de déterminer des milliards de décimales, poussant ainsi les limites de la puissance de calcul. Aujourd’hui, grâce aux supercalculateurs et aux algorithmes avancés, \(\pi\) est calculé jusqu’à plusieurs billions de décimales. En 2019, une équipe de Google a utilisé le cloud computing pour calculer 31,4 billions de décimales de \(\pi.\) Bien que des millions de chiffres soient plus que suffisants pour la plupart des applications scientifiques, la course aux décimales de \(\pi\) représente un exploit en termes de puissance de calcul et de précision mathématique.

 

Dans la culture

\(\pi\) a acquis une grande notoriété culturelle et chaque année les passionnés célèbrent le Pi Day le 14 mars (3/14, en référence aux trois premiers chiffres de \(\pi\) qui coïncide avec l’anniversaire d’Einstein). Cette journée, instaurée en 1988, est l’occasion de rendre hommage à ce nombre, souvent par des concours de mémorisation des décimales ou par des festivités impliquant des tartes (ou pies, jeu de mots en anglais avec le nombre pi).

Certains mathématiciens et amateurs s’amusent à mémoriser le plus grand nombre de chiffres possible après la virgule de \(\pi.\) Le record mondial est détenu par l’Indien Suresh Kumar Sharma qui, en 2015 et alors âgé de vingt ans, a récité 70 030 chiffres de mémoire, ce qui a nécessité plus de 17 heures de récitation !

Notre superstar \(\pi\) se trouve aussi dans les arts plastiques, le cinéma, la littérature… Ainsi la poétesse polonaise Wislawa Szymborska, prix Nobel de littérature en 1996, a écrit le poème Admirable nombre pi.

 

pi