Les structures algébriques usuelles

Structures algébriques et lois de composition interne

Sur un site consacré aux techniques quantitatives utilisées en entreprise, cette page apparaît comme une sorte d’extra-terrestre hors sujet. Mais au détour d’une explication apparaît parfois un mot sans doute familier pour certains lecteurs mais obscur pour d’autres. L’objet de cette page est de ramasser une partie de ce vocabulaire en un glossaire compréhensible par toute personne de bonne volonté mais pas forcément matheuse. Et Dieu sait si ça fait du monde.

 

La notion de structure

Certaines notions mathématiques se situent à un niveau supérieur (ou inférieur, si l’on considère que ce sont les fondements…) où aucun calcul n’intervient. Celui d’une structure mathématique.

structure

Une structure a pour caractéristique d'être stable, invariante. En sciences sociales, l’étude de ces invariants a donné naissance au courant structuraliste, notamment en ethnologie et en linguistique. En psychologie, la recherche d’une structure dans les réussites aux tests d’intelligence est même à l’origine des premières analyses factorielles par Charles Spearman (oui, c’est bien lui qui a donné son nom au coefficient de Spearman !).

Les mathématiques s'inscrivent elles aussi dans des structures générales, très précisément définies. Contrairement à ce qui se passe en sociologie ou en économie (ou de façon plus opérationnelle en marketing), nul besoin de chercher des structures derrière les observations et les analyses. Ici, on les connaît (le groupe Nicolas Bourbaki a fait le tri). Celles qui sont le plus largement enseignées sont les structures algébriques. Il existe aussi des structures d’ordre et des structures topologiques. Dans les années 60 et 70, on enseignait les mathématiques dans cette optique structuraliste. Étrange période des « mathématiques modernes » durant laquelle on apprenait dès l’école primaire des concepts qui ne sont même plus enseignés dans le secondaire. Et, peut-être enthousiasmé par la découverte d’une certaine unité, on parlait parfois de LA mathématique puisqu'une structure donnée peut s'appliquer à des objets mathématiques qui semblent à première vue très différents.

Mais trêve d’historique. Pour définir une structure algébrique, il faut au moins deux ingrédients : un ensemble et une loi de composition.

 

Exemples de composantes de structures

L’ensemble est le plus souvent numérique, par exemple celui des réels, ou vectoriel, par exemple des coordonnées…

Voyons ce qu’est une loi de composition interne à un ensemble (appelée plus simplement opération). Il s’agit d’une application qui peut être très simple, comme l’addition, l’inclusion ou la somme vectorielle, un peu plus sophistiquée, par exemple retirer d’un nombre une moyenne puis diviser le tout par un écart-type, ou carrément très compliquée. Comme il en existe une infinité, on se passera de leur recensement.

 

Propriétés

Quelles propriétés peuvent avoir ces lois ? Notons deux lois non précisées avec \(\star\) et \(*.\) Ces deux symboles sont arbitraires (ne pas confondre l’astérisque avec la touche « multiplier » d’un clavier).

L’associativité : si \((a \star b) \star c\) \(= a \star (b \star c).\) Il est évident que l’addition et la multiplication sont des lois associatives. Mais pas la division : \((4 : 2) : 2 = 1\) tandis que \(4 : (2 : 2) = 4.\) Autre exemple, celui de la composition de fonctions : \(f \circ (g \circ h)\) \(= (f \circ g) \circ h.\) Voir aussi la page sur l'associativité du barycentre.

La commutativité : il faut toujours que deux éléments soient permutables. On dit qu’ils « commutent ». Donc \(a \star b = b \star a.\) Parmi les opérations arithmétiques élémentaires, l’addition et la multiplication sont commutatives mais ni la soustraction ni la division n’ont ce privilège.

L’élément neutre : c’est celui qui ne change rien. Par exemple 1 pour la multiplication et la division ou 0 pour l’addition ou la soustraction. Toute loi n’admet pas un élément neutre. Un élément peut n’être neutre qu’à droite ou à gauche de l'élément auquel il s'applique.

L’inversion : l’inverse (ou le symétrique) d’un élément \(a\) est tel que si \(a \star [{\rm{inverse\;de\;}} a]\) \(= [{\rm{inverse\;de\;}} a] \star a\) \(= {\rm{élément\;neutre}}.\) Par exemple \(2 \times \frac{1}{2}\) \(= \frac{1}{2} \times 2\) \(= 1.\) L’addition ne vérifie pas l’inversion dans tous les ensembles numériques puisqu’il faut un nombre négatif pour en inverser un positif. Voir aussi la page inversion d'une matrice.

La distributivité entre deux lois : \(a \star (b * c)\) \(= (a \star b) * (a \star c).\) La multiplication est distributive par rapport à l’addition (permettant développement et factorisation), l’intersection est distributive par rapport à l’union (et vice versa), etc.

Il existe d’autres propriétés possibles comme l’identité ou l’absorption d’une loi par une autre…

 

Structures mathématiques

Soit un ensemble \(E\) et une opération quelconque \(\star.\) Un magma \((E, \star)\) définit une structure, c'est-à-dire un ensemble et une opération qu'il est possible de réaliser dans cet ensemble. C'est le degré zéro de la structure puisque l'opération n'a pas nécessairement de propriétés. Par exemple, \((\mathbb{Z}_-, ×)\) n'est pas un magma puisque la multiplication de deux nombres négatifs donne un nombre positif (appartenant à \(\mathbb{Z}_+\)).

Le monoïde est un ensemble auquel on applique la propriété d'addition (ou une opération qui ressemble à l'addition). Au minimum, il est associatif et unifert (il possède un élément neutre). Exemple: \((\mathbb{N}, +)\).

Le groupe \((E, \star)\) : la loi \(\star\) est associative, admet un élément neutre et tout élément de \(E\) est inversible. Seul l’élément neutre est son propre symétrique. On remarque que \((\mathbb{R}, ×),\) ensemble des réels associé à la multiplication, n’est pas un groupe puisque zéro n’a pas d’inverse. En revanche, \((\mathbb{R}^*, ×)\) en est un.

Le groupe abélien \((E, \star)\) : idem avec la commutativité en plus.

Un sous-groupe d’un groupe \((E, \star)\) est défini par la vérification de la loi \(\star\) dans un sous-ensemble de \(E.\)

L’anneau \((E, \star, *)\) : un terme pas très judicieusement traduit de l'allemand Ring... Il faut deux lois pour le définir (en principe l'addition et la multiplication). Il se compose d’un groupe abélien \((E, \star)\) et d’une loi \(*\) associative qui admet un élément neutre et qui est distributive par rapport à \(\star.\)

L’anneau commutatif : idem avec la loi \(*\) commutative. Dans les ensembles numériques, cette structure permet les factorisations et les identités remarquables.

Le corps : un anneau est aussi un corps si tout élément de \(E,\) élément neutre excepté, possède son inverse avec la loi \(*.\)

Le corps commutatif : idem si l’anneau du corps est commutatif.

 

Devinette

Comment qualifier le triplet \((\mathbb{Z},+,×)\) ?

D’abord, l’addition est évidemment associative et possède l’élément neutre 0. Elle n’est pas inversible sur \(\mathbb{N}\) mais elle l’est sur \(\mathbb{Z}\) qui comprend les nombres négatifs. Donc \((\mathbb{Z},+)\) est un groupe. Bien sûr, \(a + b\) \(= b + a.\) L’addition étant commutative, le groupe l’est aussi.

La multiplication est elle aussi associative et son élément neutre est 1. Elle est distributive par rapport à l’addition. Donc \((\mathbb{Z}, +, ×)\) est un anneau. Commutatif ? Oui puisque \(a × b\) \(= b × a.\)

Poursuivons. Est-ce aussi un corps ? Non puisque la multiplication n’admet pas d’inverse dans \(\mathbb{Z}.\) Rappelons que \(\mathbb{Z}\) est l’ensemble des entiers relatifs et qu’un nombre, par exemple 2, a son inverse dans l’ensemble \(\mathbb{R}\) des réels mais pas dans \(\mathbb{Z}\) puisque \(\frac{1}{2}\) n'est pas un entier.

Note : il est souvent sous-entendu que les lois sont l'addition et la multiplication. Du coup, par abus de langage, on parle souvent de l'anneau des entiers et du corps des réels.

 

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