La différentiabilité

Initiation aux différentielles

Le calcul différentiel est l’un des piliers d’une branche des mathématiques indispensable en économie : l’analyse (que certains écrivent avec un A majuscule). Ou plutôt un double pilier, composé des dérivées et des différentielles. La dérivation est une opération bien connue, découverte en classe de première. Mais qui sont ces mystérieuses différentielles ?

 

Utilité

Et d’abord, quelle est l’utilité de chacune ? La distinction apparaît dans l’étude de fonctions à plusieurs variables. Si l’on cherche à connaître l’effet d’une petite évolution d’un paramètre sur une grandeur économique toute chose égale par ailleurs, c’est la dérivée partielle qui est utilisée. Mais si l’on observe l’effet d’évolutions conjointes, c’est la différentielle qui en permet la mesure. Ci-dessous, nous aborderons tout de même la différentiabilité des fonctions d’une variable afin que cette notion vous paraisse plus claire, bien que dérivée et différentielle soient dans ce cas deux sœurs jumelles.

 

Maître Leibnitz

Après moult réflexions tant philosophiques que mathématiques sur l’infini, le génialissime Gottfried Wilhelm Leibniz fut le premier à publier les bases du calcul infinitésimal. À travers nos applications pratiques actuelles, il ne s’agit bien sûr pas d’étudier un « infiniment petit » forcément théorique mais, par exemple, d’évaluer l’évolution d’une demande composite lorsque certains prix varient. Ci-dessous, une représentation philatélique du Maître :

Leibnitz

 

Fonctions d’une variable

Une fonction \(f\) est différentiable en un point si elle est dérivable en ce point. Elle y est bien sûr continue. Ci-dessous, \(f\) sera une fonction dérivable en un point \(a.\)

À partir de \(a,\) on fait légèrement évoluer \(x.\) Soit \(h\) cette évolution (on note aussi \(\Delta x\)). On s’intéresse alors à l’accroissement (ou à la diminution) de la valeur \(y\) que prend \(f\) noté \(df(x)\) ou \(dy.\) L’emploi du d minuscule correspond à la notation de Leibniz.

Donc \(dy = f(a + h) - f(a)\)

Cette évolution de \(f\) est la différentielle de la fonction en \(a.\) Comme la fonction est d’une seule variable, il s’agit ni plus ni moins de la dérivée : \(dy = f’(x) dx.\)

Pour mesurer l’évolution d’une fonction d’une variable en un point, on utilise une approximation affine.  Au voisinage de \(a\) on obtient \(f(x)\) \(= f(a) + f’(a)(x-a) + R(x).\) Si l’on fait abstraction du reste \(R(x),\) il s’agit de cette bonne vieille équation de la tangente.

Exemple : supposons un coût qui évolue en fonction d’un nombre de pièces fabriquées et que ce lien est modélisable par la fonction logarithme népérien. Le responsable de la production souhaite passer de 100 à 101 pièces. Dans cet exemple, il suffit d'une calculatrice pour procéder à un calcul exact : \(\ln101 - \ln100 \approx 0,00995\) unités monétaires. Maintenant, voyons le résultat obtenu par la différentielle. Nous savons que la dérivée de \(\ln x\) est \(\frac{1}{x}.\) Ici, \(dx = 1\) puisque la production augmente d’une unité. Donc \(dy = >f’(100) × 1,\) soit \(\frac{1}{100}\) soit 0,01. Reconnaissez que nous sommes proches de la réalité ! (en fait cet exemple a été choisi à dessein car la croissance de la fonction logarithme est très lente ; un exemple avec la fonction exponentielle montrerait une approximation catastrophique).

Bien que les enseignants ne fassent pas toujours référence à l’infinitésimal lorsqu’ils présentent les intégrales aux élèves de terminale, ce sont bien ces mêmes petits intervalles \(dx\) qui se retrouvent dans ce chapitre. Graphiquement, l’opération consiste à additionner sur un intervalle donné une suite de bâtons infiniment étroits limités par la courbe représentative de la fonction (illustration en page d'aires). La largeur d’un bâton est \(dx\) (ou \(dt\)). Elle est infiniment petite mais elle n’est pas nulle car sinon la résolution d’une intégrale consisterait à additionner indéfiniment des zéros, ce qui serait inutilement lassant…

microscope

 

Fonctions de plusieurs variables

Il faut imaginer non plus une courbe mais une SURFACE en trois dimensions représentative d’une fonction de DEUX variables. En un point différentiable de cette surface, il existe un plan tangent dont l’inclinaison est à déterminer (et non une droite tangente tracée grâce au calcul d’une dérivée partielle).

Idem si la « surface » se trouve dans \(\mathbb{R}^n\) : il s’agit alors de découvrir l’équation de l’hyperplan tangent au point qui nous intéresse. Outre la différentielle totale, il est possible d’établir des différentielles partielles.

Une façon générique de présenter une différentielle de \(f\) est la suivante (avec \(h = (h_1,…,h_n\)), \(a_1,…,a_n\) étant des réels et \(X_0\) représentant le vecteur qui nous intéresse). C’est un développement limité d’ordre 1 (ici, nous détaillons le RESTE).

\(f(X_0 + h)\) \(=\) \(f(X_0)\) \(+\) \(a_1h_1\) \(+\) \(...\) \(+\) \(a_nh_n\) \(+\) \(\left\| h \right\|o(h)\)

La somme comprend évidemment \(f(X_0)\) puisqu’on se positionne sur \(X_0\) (ce qui correspond au \(f(a)\) de la formule d’une tangente). Elle se termine par un reste dont la limite est nulle lorsque \(h\) tend vers 0 (c’est une fonction de \(h\) appliquée à une norme qui est la distance que l’on s’est choisie pour \(h\)).

La combinaison linéaire qui se trouve entre ces deux éléments indique donc « l’inclinaison » de l’hyperplan tangent. On remarque qu’elle dépend de \(h\) et non de \(X.\)

Les \(a_i\) sont les \(n\) nombres dérivés de \(f.\)

Exemple d’une fonction de deux variables avec pour distance retenue l’euclidienne.

\(f(x_0+h,y_0+k)\) \(=\) \(f(x_0,y_0)\) \(+\) \(L(h,k)\) \(+\) \(\sqrt{h^2 + k^2}o(h,k)\)

...Sachant que \(\mathop {\lim }\limits_{(h,k) \to (0,0)} o(h,k) = 0\)

De l'équation d’une tangente à une courbe représentative d'une fonction d’une variable, on en déduit sans difficulté celle d'un l’hyperplan tangent au point \(X_0.\)

Ainsi \(Z = f(X_0)\) \(+\) \(a_1(x_1 - x_{1.0})\) \(+\) \(...\) \(+\) \(a_n(x_n - x_{n.0})\)

 

Propriétés

Si en un point \(X_0\) la fonction \(f\) est différentiable, alors elle est continue et dérivable en \(X_0.\) Comme la différentielle présente une forme linéaire, toutes les propriétés de la linéarité se vérifient.

 

Exemple

Déterminer la différentielle totale de \(f(x^2y^3)\) puis donner une équation du plan tangent à la courbe représentative de \(f\) au point de coordonnées \((1\,;1)\) et une approximation affine de \(f\) au voisinage de ce point.

Calculons d’abord les deux dérivées partielles :

\(\frac{{\partial f}}{{\partial x}} = 2x{y^3}\) et \(\frac{{\partial f}}{{\partial y}} = 3{x^2}y\)

Par conséquent la différentielle n’est autre que \(df\) \(=\) \(2xy^3dx\) \(+\) \(3x^2y^2dy\) et au point \((1\,;1)\) nul besoin d’être surdoué pour déterminer la dérivée par rapport à \(x\) qui est égale à 2 et la dérivée par rapport à \(y\) qui est égale à 3. Par ailleurs, \(f(1\,; 1)\) \(= 1^2 × 13\) \(= 1.\) Donc on trouve l’équation du plan tangent :

\(Z = 1 +2(x - 1) + 3(y - 1)\) \(= 2x + 3y - 4\)

Approximation affine de \(f(1 + h_1\,; 1 + h_2)\) : il suffit de remplacer \(x\) et \(y.\)

\(2(1 + h_1 - 1) + 3(1 + h_2 - 1) - 4\) \(= 2h_1 + 3h_2 - 4\)

 

infiniment petit