Les consommateurs

Brève étude historique du consommateur

L’être humain a toujours constitué et constituera toujours un fascinant sujet d’études (médicales, psychologiques, sociologiques, ethnologiques, etc.) mais il existe un domaine où son étude scientifique est devenue essentielle pour la bonne (?) raison que les enjeux financiers y sont colossaux : le marketing. Ainsi, le comportement des consommateurs est devenu en quelques décennies l’objet d’une science humaine à part entière (même si cette expression risque de faire dresser les cheveux sur la tête des « gardiens » d’autres sciences humaines). Son étude bénéficie d’ailleurs de l’apport de plusieurs sciences, comme nous allons le voir, ainsi que d'une forte utilisation des statistiques.

Le consommateur est étudié sous deux angles qui se complètent : qui est-il dans la société (caractéristiques) et quel est son comportement ?

 

Caractéristiques

Chaque consommateur est à la fois unique et porteur de caractéristiques qu'il partage avec d'autres. C'est d'ailleurs cette combinaison résultant d'une infinité de caractères partagés qui en fait sa singularité. Certains d'entre eux sont factuels tandis que d'autres sont plus difficiles à cerner (quelle est la définition d'un bobo ?). Ils permettent de ranger les consommateurs dans des cases. Cette expression n'est pas péjorative dans la mesure où chaque individu peut être placé dans dans un très grand nombre de cases non exclusives.

Pour répondre aux attentes plus ou moins conscientes de ces catégories, les marketeurs segmentent le marché. Les instituts de sondages se fondent sur des critères objectifs pour établir des panels ou des échantillons par choix raisonné : l’âge, le sexe, le revenu, sa région d'habitation, la catégorie socio-professionnelle, etc.

Des variables de personnalité sont construites à partir d'enquêtes et de techniques statistiques élaborées (analyses factorielles). Ce sont les styles de vie ou sociostyles qui caractérisent des catégories homogènes de la population, intéressantes pour la plupart des actions marketing : les caractéristiques du produit, le packaging, le type de communication qui l'atteindra au mieux, etc. Par exemple, les jeunes cadres urbains aisés (qui se font livrer leurs repas, sont orientés vers le superflu, consomment des produits culturels...).

Les variables d’environnement sont la culture et les sous-cultures, la famille, la classe sociale…

 

Comportement du consommateur

Dans un second temps, les marketeurs s’intéressent aux mécanismes psychiques des individus au cours de leur expérience de consommation, c’est-à-dire à tout ce qui peut expliquer leurs comportements et qui du coup permet les positionnements de produits ou de marques (rappelons qu’un positionnement n’existe pas objectivement mais uniquement dans l’esprit de la clientèle). Les efforts de persuasion véhiculés par la publicité et, plus globalement, par les éléments du marketing mix se traduisent alors par des images mentales susceptibles d’orienter son comportement, c’est-à-dire une décision d’achat puis d’utilisation du produit ainsi que son réachat ou son abandon.

Ainsi sont décortiqués les processus d’apprentissage, les besoins et motivations, les repères, l’image de soi, les attitudes

Dans leurs caractéristiques comme dans leur esprit, les consommateurs évoluent. Cette évolution est double : individuelle puisqu’on ne consomme pas de la même façon aux différents âges de sa vie et sociale puisque la façon de consommer est fort logiquement modifiée par les évolutions sociétales et qu'elle a une fonction de marqueur social. Ce second type d’évolution s’apprécie habituellement d’une décennie à l’autre.

Et voici comment était représenté le consommateur au dix-neuvième siècle (caricature due à Traviès, mort en 1859. Image libre de droits. Musée Carnavalet, Paris).

 

Historique

Le site sur lequel vous vous trouvez n’a pas de vocation historique. En particulier, les écoles de pensée successives du vingtième siècle, enseignées à l’université, font souvent figure sur le terrain de ringardises peu opérationnelles. Une fois n’est pas coutume, et parce que chaque époque a apporté à l’étude du consommateur un éclairage complémentaire aux précédents et que ces courants conservent souvent une certaine actualité, voici un très rapide historique.

Jusqu’aux années 1950, le consommateur était considéré comme un individu rationnel, capable de maximiser ses fonctions d’utilité sous contrainte budgétaire. Cette vision d’économiste, qui sert encore d’hypothèse pour établir des modèles financiers, menait à une impasse… Des psychologues et psychanalystes, George Katona en tête, montrèrent alors que d’autres éléments, notamment des motivations inavouées, guidaient les choix des consommateurs. À cette même époque, l’école behavioriste étudiait les comportements animaux et humains non d’un point de vue psychologique mais comme résultats de stimulations extérieures.

En effet, une soixantaine d’années après la découverte des réflexes conditionnels du chien de Pavlov, les behavioristes expliquèrent les comportements comme étant des réponses aux stimuli sociaux. Le psychologue Burrhus Skinner, notamment, définit le conditionnement opérant en mesurant les fréquences d’apparition d’un comportement donné suite à des stimuli positifs ou négatifs. Certes, ce courant est un peu dépassé depuis les années 70. Mais le behaviorisme conserve une certaine légitimité pour expliquer certains comportements d’achat. Il faut bien reconnaître que face à la dictature de la mode, seuls quelques marginaux conservent un libre arbitre absolu…

Un autre courant de pensée dépassa ensuite les deux précédents, qui avaient le fâcheux défaut d’être contradictoires. Il s’agit du cognitivisme, qui s’intéresse au processus d’apprentissage.

Les sciences cognitives forment un large terrain de recherche interdisciplinaire. Pour rester dans le domaine du marketing, mentionnons le rôle central de la perception et surtout de la mémorisation. Il est évident que si chacun de nos achats devait être analysé objectivement en tenant compte de ses différentes caractéristiques, de simples courses au supermarché dureraient allègrement toute la journée. Heureusement, les consommateurs se souviennent de ce qu’ils ont appris auparavant sur les marques…

Par la suite, c’est-à-dire depuis les années 80, on découvrit que le consommateur était aussi… un être humain, c’est-à-dire que l’émotion, l’affectivité, la curiosité, bref de nombreux sentiments pouvaient déterminer un achat, une fidélité ou un abandon. De plus, apprentissage et mémoire sont liés (donc behaviorisme et cognitivisme ne sont pas antinomiques). Par-dessus le marché, grande découverte, l’être humain s’adonne à d’autres activités que la consommation. Ouf !

Si vous vous intéressez à la mémorisation du consommateur, voir par exemple la thèse de M. Korchia :

http://www.watoowatoo.net/mkgr/papers/these.pdf

 

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