L'algèbre

Techniques et applications de l'algèbre

Quand on parle d’algèbre, beaucoup pensent aux équations à résoudre, aux lettres qui remplacent des nombres ou encore aux formules à apprendre par cœur. Mais l’algèbre, c’est bien plus que ça ! C’est une branche des mathématiques qui permet de modéliser, généraliser et comprendre des structures logiques. Bref, une manière de penser.

 

Jalons historiques

L’histoire de l’algèbre remonte à plusieurs millénaires. Déjà dans l’Égypte antique et en Mésopotamie, puis en Grèce et en Inde, on trouve des traces de résolutions d’équations simples, notamment des problèmes de partage, de surfaces ou de proportions. À ces époques, on n’employait pas de symboles comme aujourd’hui et les mathématiciens décrivaient les calculs avec des mots. Pas très pratique ! Ils n’en avaient que plus de mérite…

Le mot algèbre vient de l’arabe al-jabr (réduction, transposition, restauration). C’est la transposition d’un membre à l’autre de l’équation qui permet la restauration de l’équilibre. Ce terme est issu du titre d’un ouvrage du mathématicien perse Al-Khwarizmi, contemporain de Charlemagne. Ce traité présentait des méthodes pour résoudre des équations du premier et du second degré. Il marque une étape importante car il systématise l’usage des opérations sur des quantités inconnues.

Au fil des siècles, les mathématiques arabes sont traduites et enrichies en Europe. À la Renaissance, les équations deviennent progressivement plus abstraites. En 1545, Gerolamo Cardano publie Ars magna, un traité qui apporte des solutions aux équations du troisième et du quatrième degré. Puis l’algèbre « rhétorique » laisse place à l’algèbre « symbolique ». Ce passage est fondamental : il permet de manipuler les équations sans toujours avoir à les interpréter verbalement. À la suite de Descartes, il devient habituel de remplacer les inconnues par des lettres.

Le dix-neuvième siècle marque un tournant décisif pour l’algèbre. On passe d’un outil de résolution d’équations à une science des structures. Plusieurs avancées conceptuelles vont faire de cette époque une période charnière, posant les bases de l’algèbre moderne. La plus révolutionnaire est due à Évariste Galois, mort à vingt ans à la suite d’un duel.

Il associa une structure aux coefficients de l’équation (le « groupe de l’équation ») et étudia les caractéristiques des types qui peuvent apparaître (en fonction de ceux qui apparaissent, il y aura des solutions ou non). Ce fut une révolution totale : l’algèbre cessait d’avoir pour objectif la résolution d’équations et commençait à s’attacher à caractériser les différentes structures (Galois, coll. Génies des mathématiques, RBA 2018).

Galois

 

Au collège et au lycée

Dans l’enseignement secondaire, l’algèbre se présente comme un ensemble de techniques qui aident à modéliser des problèmes concrets (voir par exemple les exercices avec systèmes).

La première rencontre avec l’algèbre se fait souvent à travers des équations très simples, puis avec des factorisations, des identités remarquables, des inéquations

Au lycée, on étudie les vecteurs qui sont alors perçus comme des d’outils de géométrie, bien qu’on leur applique des opérations algébriques.

En terminale maths expertes, on aborde les matrices qui permettent de représenter des applications linéaires.

 

Après le bac

Après le bac, l’algèbre prend une autre dimension. Ce n’est plus seulement un outil pour résoudre des équations mais un domaine de recherche à part entière. On y développe des structures générales et on s’intéresse aux relations entre les objets mathématiques.

On commence à étudier des ensembles munis d’opérations avec des règles bien précises. Et on comprend que l'algèbre est un peu la grammaire des mathématiques.

Ainsi on découvre les notions abstraites de groupe, d’anneau, de corps… (voir la page sur les structures algébriques). Certains ensembles numériques sont des corps (rationnels, réels, complexes) quand d’autres ne sont « que » des anneaux (entiers relatifs…).

L’algèbre linéaire est souvent le premier contact sérieux avec l’algèbre universitaire. Elle traite des vecteurs, des matrices et des systèmes d’équations linéaires.

  • Un espace vectoriel est un ensemble d’objets (vecteurs) que l’on peut additionner entre eux et multiplier par des scalaires (nombres) en respectant certaines règles. Les vecteurs dans le plan ou dans l’espace sont des exemples familiers depuis le secondaire.

  • Une application linéaire est une fonction entre deux espaces vectoriels qui respecte l’addition et la multiplication scalaire. Ce sont des objets fondamentaux en mathématiques appliquées (physique, informatique, économie…).

  • Les matrices permettent de représenter les applications linéaires de manière pratique. Les déterminants, quant à eux, donnent des informations sur l’inversibilité d’une matrice ou sur le volume qu’elle « transforme ».

 

Liens avec d’autres branches des maths

L’algèbre n’est pas isolée dans son coin. Elle dialogue en permanence avec d’autres domaines des mathématiques.

Elle est un outil puissant pour comprendre la géométrie. Par exemple :

L’algèbre générale (groupes, anneaux, corps) fournit un cadre pour étudier les propriétés des nombres, notamment en arithmétique modulaire. C’est par exemple fondamental en cryptographie.

Même si l’analyse (étude des fonctions, des limites, des dérivées, etc.) semble très différente, elle repose souvent sur des structures algébriques. Par exemple, les séries de Fourier ou les espaces de fonctions sont des espaces vectoriels.

 

Algèbre, informatique et data science

L’algèbre joue un rôle central en informatique. Quelques exemples…

  • Elle intervient dans la conception et l’analyse des algorithmes, notamment lorsqu’on manipule des structures de données comme les arbres, les graphes ou les tableaux. Des algorithmes de tri ou de recherche reposent sur des propriétés algébriques (exemple de l’algorithme d’Euclide pour calculer le PGCD).

  • La logique et les langages formels : l’algèbre est liée à la logique booléenne, base de l’informatique. Dans un circuit logique, les opérations sont des combinaisons d’AND, OR, NOT… qui obéissent à des règles algébriques. Cette logique booléenne est elle-même une algèbre, appelée algèbre de Boole.

  • La cryptographie repose sur des structures algébriques.

  • Un autre exemple du lien entre algèbre et informatique est l’algèbre relationnelle, qui constitue le fondement théorique des bases de données relationnelles. Celle-ci a été formalisée dans les années 1970 par Edgar F. Codd, un chercheur d’IBM, pour donner un cadre rigoureux à la manipulation des données organisées en tables (relations). Elle a conduit au développement du SQL.

La science des données repose sur des volumes massifs d’informations à explorer, nettoyer, analyser et modéliser. Si les statistiques fournissent les outils pour mesurer et tester, c’est l’algèbre, notamment l’algèbre linéaire, qui fournit la structure opérationnelle des modèles.

Les modèles de base (régression linéaire multiple, régression logistique, analyse discriminante) sont tous exprimés en termes d’équations linéaires et de produits scalaires. Ces modèles simples restent très puissants et constituent souvent une première étape avant d’aborder des techniques plus complexes.

Les matrices, omniprésentes, servent à représenter des ensembles de données (chaque ligne étant un individu, chaque colonne une variable) et à les transformer (passage à une base orthonormée, par exemple).

L’algèbre linéaire intervient aussi dans la réduction de dimension (voir par exemple les ACP, fondées sur les valeurs et vecteurs propres).

En science des données, on cherche aussi à minimiser des fonctions de coût : c’est l’optimisation. Pour cela, on utilise des méthodes numériques (descente de gradient, newtoniennes...) qui s’appuient sur des calculs matriciels, des dérivées partielles, des approximations linéaires… L’algèbre permet ici de structurer le problème et d’automatiser la recherche de solutions.

Enfin, l’algèbre a aussi conduit au développement de l’IA. Par exemple, dans le machine learning, l’entraînement d’un réseau de neurones repose sur des calculs matriciels. Ainsi une image est vue comme un vecteur de pixels. Une fois les données vectorisées, on entre dans un espace vectoriel et tous les concepts de l’algèbre linéaire deviennent applicables : produit scalaire, norme, orthogonalité, projection…

 

équation